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matifs de ceux que nous avons énoncés. Les muscles chez l’homme présentent souvent des anomalies dans leurs formes, leurs attaches, leurs divisions en deux ou plusieurs faisceaux. Jusqu’ici les traités d’anatomie humaine se bornaient à signaler ces anomalies, ils ne les discutaient pas. On les croyait rares, elles sont très communes. M. John Wood, professeur d’anatomie au King’s college de Londres, n’a pas observé moins de 558 anomalies sur 36 cadavres seulement[1]. Or, en comparant ces anomalies avec les muscles correspondans des animaux, on reconnaît qu’elles représentent l’état normal des ordres inférieurs à l’homme. Ainsi MM. Wood et Samuel Pozzi ont observé plusieurs fois chez l’homme un muscle appelé sternalis brutorum par les anciens anatomistes. Ce muscle est normal chez les singes supérieurs jusqu’aux cynocéphales. D’autres anomalies sont une réminiscence de la forme habituelle de ces muscles chez les carnassiers, les rongeurs, les marsupiaux et même les reptiles. On observe aussi des os anormaux. M. Luschka, professeur à Tubingue, a rencontré sur un homme des os représentant l’episternum de beaucoup de mammifères. Les organes intérieurs ne sont pas toujours conformés de la même manière, et M. Samuel Pozzi a signalé chez l’homme la présence accidentelle d’un lobe impair du poumon appelé azygos, commun à tous les quadrupèdes. Je m’arrête de peur d’entrer dans des détails trop techniques, et me borne à constater que les anomalies, confirmant les inductions tirées des organes rudimentaires, proclament comme eux l’unité et la continuité dans la création du règne animal ; mais cela ne signifie en aucune façon que l’homme descende du singe. Des écrivains incompétens attribuent souvent cette opinion à Darwin et à ses disciples ; c’est une assertion complètement erronée. Aucun zoologiste sérieux n’a jamais dit que l’homme descendît des singes en général ou d’un singe en particulier, mais depuis Linné tous les naturalistes considèrent l’homme comme faisant partie de la classe des mammifères. Linné le plaçait avec les singes dans l’ordre des primates, car c’est avec les singes qu’il a le plus d’analogies morphologiques, anatomiques et physiologiques. L’homme est sorti du règne animal tout entier, comme le prouvent la structure normale de ses organes en fonction, comparés à ceux des mammifères supérieurs, les organes sans fonctions dont les rudimens font partie de son économie, et enfin les anomalies rétrospectives qui rappellent l’état régulier de ses prédécesseurs dans l’ordre de la création.

  1. Variation, in human myology obsersed during the session 1867-1868 (Proceedings of the royal Society, t. XVI, p. 483).