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faite, de même les mammifères inférieurs ou marsupiaux ont précédé les mammifères plus parfaits dont l’homme fait partie. Dans les deux règnes, l’ordre paléontologique et l’ordre hiérarchique se confondent. Les êtres organisés les plus simples ont paru avant les plus complexes, les inférieurs avant les supérieurs. Étudions l’origine de quelques ordres bien connus de la classe des mammifères supérieurs.

Quel est l’observateur, artiste ou savant, peu importe, qui n’ait été frappé des formes étranges et massives de certains animaux, — éléphans, rhinocéros, hippopotames et tapirs, — qui jurent avec les formes habituelles des mammifères appartenant aux ordres voisins, chevaux, cerfs, gazelles, taureaux et moutons ? La science confirme ce que l’instinct de l’artiste fait pressentir. Ces animaux monstrueux sont pour ainsi dire des étrangers dans la création actuelle, ce sont les descendans directs et immédiats de leurs prédécesseurs éteints. Dans la faune fossile, les mastodontes ou éléphans fossiles à molaires hérissées de tubercules, ont précédé les éléphans à molaires composées de lames verticales à surface lisse. Cautley et Falconer ont découvert dans les terrains tertiaires des collines de Siwalik, au pied de l’Himalaya, les débris d’un animal[1] que les naturalistes ont tantôt classé parmi les éléphans, tantôt parmi les mastodontes : cet animal établit donc la transition entre les mastodontes, genre éteint, et les nombreux éléphans qui lui ont succédé. De nos jours, il n’existe plus que deux espèces d’éléphans vivans. Celui de l’Inde diffère à peine de l’Elephas antiquus fossile, fort voisin lui-même de l’Elephas meridionalis, également fossile, et trouvés tous deux dans les couches pliocènes ou tertiaires supérieures de France et d’Italie. Quant à l’éléphant d’Afrique, il se rattache directement à l’Elephas priscus provenant des couches les plus récentes du Val d’Arno en Toscane. Ne sait-on pas aussi qu’en 1799 un pêcheur tongouse découvrit à l’embouchure de la Léna en Sibérie un éléphant en chair et en os, couvert de crins et de laine, conservé dans la glace qui l’entourait ; c’est l’Elephas primigenius des naturalistes. Son squelette est le plus bel ornement du musée de Pétersbourg.

La généalogie des rhinocéros est aussi évidente que celle des éléphans. La souche primitive remonte aux Palœotherium, pachydermes dont Cuvier trouva les os en telle abondance dans les plâtrières de Montmartre à Paris qu’il put reconstituer le squelette complet de ces animaux : l’une des espèces était de la taille d’un cheval. Ces quadrupèdes étaient munis d’une trompe comme les tapirs et avaient comme eux les os du nez très courts. Dans les rhino-

  1. Elephas Cliftii ou Mastodon elephantoïdes.