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part à renverser le géant ; il saura bien sans doute réduire à l’obéissance la jeune fille révoltée que l’ambassadeur hollandais, M. le comte Van der Duyn, appelle « un garçon mutin en cotillon. »

Eh bien ! non, l’habile ministre, après le succès apparent des premiers jours, ne réussit pas mieux, en fin de compte, que le prince d’Orange, le duc d’York et le régent. Les conférences et correspondances durèrent cette fois deux ou trois semaines. Dans les premiers jours du mois de juin, lord Liverpool était parvenu à fixer la rédaction des articles de manière à la faire accepter de la princesse Charlotte. L’ambassadeur de Hollande, en ce qui le concernait, n’avait élevé aucune objection. Toutes les parties semblaient d’accord. Le 10 juin, la princesse avait donné par écrit son adhésion aux nouveaux articles du contrat ; comment se fait-il que le 16 tout soit rompu et rompu à jamais ? Est-ce un caprice de l’enfant mutin ? La princesse mérite-t-elle les reproches que lui adressait le duc d’York ? N’a-t-elle agi de la sorte que par étourderie, et, quand elle mettait en avant ses obligations d’héritière présomptive de la couronne, les scrupules dont elle faisait montre n’étaient-ils que le voile de son caractère fantasque ?

Non, voici ce qui s’est passé. Du 10 au 16 juin, des incidens inattendus ont détruit ce frêle et laborieux édifice. Les souverains de l’Europe, accompagnés de leurs maréchaux victorieux, viennent d’arriver en Angleterre pour y rendre visite au prince-régent, La princesse de Galles, nous l’avons indiqué plus haut, avait été expressément exclue de toutes les fêtes données à cette occasion par la cour, et la princesse Charlotte s’en était trouvée éloignée comme sa mère ; or le prince d’Orange, oubliant la réserve que sa situation lui commandait, ne s’était pas fait faute d’y paraître. Des solennités royales ! tant de souverains, tant de vainqueurs célébrés au nom de la nation anglaise ! l’occasion était trop séduisante pour qu’il consentît à s’en priver. L’idée ne lui était pas venue peut-être que l’absence de sa fiancée aurait dû le tenir à l’écart. Après tout, quels que pussent être à ce sujet les sentimens de la princesse Charlotte, n’était-elle pas engagée depuis le 10 juin par une parole définitive ? Ce ne fut pas tout à fait l’avis de la princesse. Le 16 juin, dans une dernière entrevue, elle s’en expliqua très nettement avec lui ; elle lui déclara qu’après le mariage il lui serait impossible de se rendre en Hollande même pour un voyage de quelques semaines, même pour une visite de quelques jours ; elle se croyait tenue en conscience de rester auprès d’une mère si odieusement outragée. Elle lui signifia en outre que sa maison, malgré les ordres contraires du régent, devrait toujours être ouverte à la princesse de Galles, et, le prince d’Orange n’ayant pas voulu souscrire à cette condition