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la France ne reste pas au-dessous de ses engagemens. Elle fait largement les choses, et on peut même dire qu’elle y met la meilleure volonté, puisque les frais de poursuite vont en diminuant. Les contributions directes, à peu près fixes par leur nature, sont nécessairement stationnaires. C’est sur les impôts indirects que l’augmentation est particulièrement sensible, et cette augmentation est naturellement proportionnée à un accroissement de consommation. Les impôts indirects ont dépassé de 85 millions effectifs les prévisions budgétaires, et même toute déduction faite des nouvelles taxes ou surtaxes qui ont été votées dans le courant de l’année, qui n’existaient pas dans l’année précédente, ces impôts ont donné au trésor en 1875 140 millions de plus qu’en 1874. Les droits d’enregistrement inscrits au budget pour 437 millions se sont élevés à 453 millions. Sur les droits de douane, l’augmentation est de 13 millions, elle est de 22 millions comparativement à l’année antérieure. Les droits sur les boissons ont dépassé de 21 millions les évaluations du budget. Le tabac a donné 16 millions au-delà du chiffre prévu de 312 millions. La poste, avec tous ses services, a une augmentation de 8 millions. M. le ministre des finances a la satisfaction de voir ses prévisions plus que justifiées et de trouver ainsi dans ces surcroîts de recette de quoi combler les vides qui étaient restés dans le budget.

Assurément ce serait une témérité ou une illusion de trop se fier à ces recettes merveilleuses. C’est au contraire une raison de plus de rester dans la limite d’évaluations modérées, si l’on ne veut pas s’exposer aux déceptions que peuvent infliger des incidens inattendus. Tout ce qu’on pourrait faire serait de profiter de cette situation régulière, aisée, pour revoir certaines parties de notre système fiscal, pour ménager dans un avenir prochain, sans se hâter, si l’on veut, quelques dégrèvemens nécessaires et pour rétablir enfin par degrés une proportion plus équitable dans la distribution des charges publiques. La France a sans doute d’immenses ressources qu’elle entretient, qu’elle renouvelle sans cesse par son travail ; mais certainement aussi elle a besoin de toute sa prudence dans ses affaires de finances comme dans sa politique ; elle a besoin d’une sécurité complète, d’une paix intérieure et extérieure longtemps maintenue pour vivre avec le plus colossal budget du monde, un budget qui dépasse 2 milliards 500 millions, — pour porter le poids d’un surcroît annuel de 800 millions d’impôts nouveaux. C’est là ce que nous a coûté la fatale année 1870, et ce n’est pas probablement avec les théories économiques de M. Victor Hugo ou les programmes radicaux qu’on espérerait résoudre l’éternel problème d’avoir de bonnes finances par une bonne politique.

S’il n’y avait que la France à consulter aujourd’hui, la paix serait certainement assurée, et on ne songerait pas à faire des brochures sur ce qui pourra arriver au printemps prochain. Ce qui arrivera au