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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 janvier 1876.

A l’heure où nous sommes le scrutin a prononcé souverainement. Le second acte des élections générales est terminé d’hier ; le premier acte, ou le prologue si l’on, veut, a été, il y a quinze jours, la désignation des délégués municipaux appelés à concourir, avec les députés de chaque département, avec les conseillers-généraux et les conseillers d’arrondissement, à la formation du sénat, Cette opération préliminaire s’est accomplie au milieu d’une paix profonde, dans une certaine obscurité et d’une manière assez énigmatique pour que dans l’intervalle des deux scrutins, sur des résultats épars qui n’avaient encore rien de définitif, les partis aient pu renouveler leur éternelle bataille. A qui la victoire ? — A l’union conservatrice, au gouvernement, c’est bien clair, ont dit les uns ; — aux constitutionnels, aux républicains, cela n’est point douteux, reprenaient les autres.

Les savans stratégistes du ministère de l’intérieur et des comités de la gauche se sont donné la satisfaction de passer quinze jours à débrouiller leur échiquier, à recommencer sans cesse les dénombremens de fantaisie et à s’attribuer complaisamment le succès qu’ils désiraient. Évaluations, commentaires, programmes, réunions électorales, appels aux 36,000 délégués municipaux de France, rien n’a manqué. La vérité est que toutes les appréciations et toutes les contradictions reposaient sur les données les plus incertaines, que personne n’y voyait fort clair, qu’on se trouvait en présence d’un procédé d’élection mis en œuvre pour la première fois, et qu’au lieu d’attendre simplement ce qu’allait produire cet assemblage d’élémens inconnus dégagés tout à coup du sein de la France, on aimait mieux se défier avec des jactances et des fictions. Le jour du vote décisif est venu, et de ce scrutin ouvert dans la France entière sort un sénat dont la composition trompe peut-être plus d’un calcul ou plus d’une illusion, qui au premier coup d’œil reste après tout l’expression assez approximative d’une situation compliquée, la représentation vivante des courans sérieux et permanens de l’opinion. Cette