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prétendues vésicules seraient des appareils de flottaison est démentie par ce fait que la feuille même avec ses lobes rapprochés ne renferme qu’accidentellement des gaz. Ces lobes d’ailleurs s’écartent spontanément sous une température assez élevée et se referment comme ceux de la dionée lorsqu’une irritation mécanique ou autre s’exerce sur des filamens ténus, articulés et transparens qui se dressent sur la partie de leur face interne adjacente à la nervure moyenne. C’est ce que put voir en 1861, sur la plante de Raphèle, M. Augé de Lassus, botaniste de Marseille ; c’est ce qu’ont revu de leur côté Stein (1873) et Cohn sur la plante d’Allemagne. Le jeu de ces valves rappelle celui de la dionée, sauf que l’écartement est toujours moindre et que les épines très courtes des bords ne se croisent pas en forme de grille autour de la proie emprisonnée. Cette proie consiste en larves d’insectes aquatiques, mais très souvent aussi en crustacés de petite taille. Que ces bestioles frétillantes trouvent dans cette prison refermée sur elles d’abord une captivité sans limites, puis la mort, c’est ce que Darwin assure sur la foi de Cohn, dont le mérite d’observateur est établi par des travaux d’une rare distinction et d’une réelle autorité. Mais par quelle voie la mort atteint-elle ces victimes ? C’est ce qui ne se dégage pas avec une entière netteté des observations de Cohn, telles que Darwin les résume, et des expériences très incomplètes auxquelles l’auteur anglais a pu soumettre l’aldrovandie cultivée en aquarium. Les données obtenues à cet égard reposent plutôt sur des analogies anatomiques que sur des faits positifs. Il suffira d’en rappeler brièvement les considérations les plus générales.

À part les filamens articulés qui sont les agens ou plutôt les conducteurs de l’irritation motile, les feuilles de l’aldrovandie portent deux sortes d’appendices épidermiques. Vers le pourtour de chaque valve, ce sont des papilles à quatre cellules divergentes formant comme une croix grecque en miniature, organes dont on retrouve les analogues dans toutes les utriculaires et qui d’après Darwin serviraient à l’absorption des produits de décomposition des matières organiques. Sur la partie de chaque valve qui avoisine la charnière ou nervure médiane se pressent de petites glandes arrondies, presque sessiles, rappelant par leur structure les glandes qui chez la dionée sécrètent le suc digestif. Qu’une fonction pareille existe chez les glandes de l’aldrovandie, c’est ce que Darwin suppose plus qu’il ne le prouve : les faits qu’il cite ne sont point assez positivement établis pour qu’il en ressorte la conviction que l’aldrovandie est carnivore, au même degré du moins que les autres genres de cette famille. Irritable, motile, elle l’est certainement, et peut à ce point de vue, par le mécanisme de ses valves, rappeler assez exactement la dionée ; digérante, elle l’est aussi suivant toute probabilité ; mais