Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 13.djvu/598

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

défenseur de la reine. Partout enfin la cour civile et la cour de la couronne étaient pleines ou désertes, suivant qu’il avait à parler devant l’une ou devant l’autre[1]. »

Ainsi manifestations populaires, sympathies de la nation, témoignages venus de la cour elle-même, hommages de toute sorte rendus à son principal défenseur, rien ne manquait au triomphe de la reine Caroline. Elle voulut donner à cette victoire une consécration solennelle. Le 20 novembre, quand l’effervescence publique fut calmée, elle alla faire ses dévotions à l’église cathédrale de Saint-Paul et rendre grâce à Dieu de l’issue du procès. On sait que l’église Saint-Paul est située dans le quartier qui est le cœur même de Londres. Tout avait été préparé pour l’arrivée de la royale visiteuse ; le lord-maire et tous les membres du conseil municipal la reçurent à cheval au seuil de la Cité.

Transportez-vous maintenant huit mois plus tard, et lisez la lettre que le lord-chancelier écrit à sa fille, lady F.-J. Bankes, le lendemain du couronnement de George IV. C’est le 20 juillet 1821. Cette lettre a été publiée par lord Campbell dans sa Vie de lord Eldon ; on y trouve ces mots : « tout est fini, tout est sauvé, tout s’est passé émerveille. La journée d’hier a dû apprendre à la reine combien la faveur populaire est inconstante. » Qu’est-ce à dire ? et de quoi s’agit-il ? Depuis les jours où les rues de Londres retentissaient d’acclamations, où les fenêtres s’illuminaient, où les mâts des vaisseaux, comme des rangées de phares, s’éclairaient dans la brume, depuis l’heure où le lord-maire, avec une escorte de gentlemen, tous à cheval et en grande tenue, attendaient la reine aux environs de Temple-Bar, qu’est-ce donc qui s’est passé ?

C’est le couronnement du roi qui a renouvelé la lutte. La cérémonie, retardée par le scandale du procès, avait été fixée au 19 juillet 1821. Le 20 juin, le ministère est interpellé à ce sujet : la reine sera-t-elle couronnée ? Le ministère répond sans hésiter que la reine en a fait la demande, mais que cette demande ne peut être admise. Le droit d’être couronnée officiellement par l’église n’appartient pas à l’épouse du souverain. Ce n’est pas là une des prérogatives de son rang, c’est simplement une faveur que le souverain peut accorder ou refuser ; or, dans le cas en question, le ministère n’est pas d’avis que la reine participe à la cérémonie du couronnement. Là-dessus une discussion s’engage entre Liverpool et M. Brougham, discussion des plus vives qui se poursuit devant le conseil privé, auquel vient de s’adresser la reine. Ses avocats y sont admis à faire valoir sa requête, ils plaident devant ce nouveau tribunal,

  1. Lord Campbell, Lives of the lord chancellors, t. VIII, p. 324.