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enfoncer plus profondément chez quelques-uns ; bref, il ménagea la chambre en attaquant le ministère, et termina par ces mots :


« La reine, confiante dans son innocence outragée, a la ferme conviction qu’aucun obstacle, ni l’esprit de parti, ni la présence de personnes intéressées, ni des influences étrangères exercées en dehors de la chambre, ni le manque supposé de sympathie pour les sentimens du pays, ni la tendance attribuée aux lords, mais attribuée faussement, qui les ferait se courber devant la faveur royale, — que rien enfin, qu’aucun obstacle ne se dressera entre elle et la justice, que rien n’empêchera sa cause de recevoir une décision droite, impartiale, dégagée de toute idée préconçue. »


Après ces observations, la chambre prononça la clôture des débats sur la première lecture du bill et s’ajourna au 10 juillet pour décider quel jour elle entendrait la seconde. Le 10 juillet, il fut décidé que la seconde lecture aurait lieu le 17 août suivant ; il fut décidé aussi que le débat porterait alors sur la preuve des faits énoncés dans le préambule et que le procès de la reine commencerait.

C’est donc après un délai de cinq semaines et demie que devait s’engager la grande lutte. L’impatience publique était au comble ; on comptait les jours et les heures. Du 10 juillet au 17 août, l’agitation alla en croissant. La reine recevait toujours des députations venues de divers points du royaume ; elle y répondit d’abord en termes modérés, sur un ton de dignité triste qui convenait à sa situation ; mais peu à peu ses réponses prirent un caractère d’extrême véhémence. Enhardie par l’irritation publique soulevée contre George IV, elle donnait un libre cours à ses propres colères. À mesure qu’on approchait du terme fixé pour le procès, l’agitation populaire était si violente que l’on pouvait craindre une émeute, même une révolution. Le ministère avait dû prendre les précautions les plus sérieuses : des troupes étaient consignées dans tous les quartiers de la ville ainsi que dans les villages environnans. De jour en jour, on s’attendait à une bataille. Il est à peine nécessaire de dire que le couronnement de George IV, annoncé depuis plusieurs mois pour le 1er août, avait dû être ajourné à l’année suivante. Beaucoup de pairs, les uns mécontens de la conduite du gouvernement en toute cette affaire, les autres effrayés de l’irritation publique, cherchaient les moyens de se soustraire à leurs fonctions de juges. Il y avait bien longtemps en effet que la noble assemblée ne s’était vue au milieu d’une telle fournaise. Des bruits étranges lui arrivaient de tous côtés. On disait que la reine viendrait assister de sa personne à toutes les séances, et qu’une moitié de la population de Londres l’escorterait jusqu’aux portes de Westminster. Les