Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 13.djvu/568

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du nord, entre en Suisse et s’arrête quelques jours à Genève. C’est là qu’elle écrit à M. Brougham de venir la trouver. M. Brougham demande que cette conférence ait lieu dans une ville plus rapprochée de l’Angleterre. On convient de se rencontrer à Saint-Omer, et rendez-vous est pris pour les premiers jours de juin. Le ministère, informé de ce qui se passe, charge lord Hutchinson de se rendre à Saint-Omer avec M. Brougham, ils travailleront ensemble à une transaction et s’efforceront de prévenir un éclat qui peut bouleverser le royaume. Le 3 juin, les deux envoyés arrivent à Saint-Omer, la reine est déjà exacte au rendez-vous. M. Brougham se fait introduire chez elle et lui annonce que lord Hutchinson est venu avec lui dans un esprit de sincère amitié, pour lui faire des propositions au nom de sa majesté le roi George IV. « Je serai heureuse de le voir, » répond la reine, et le représentant du roi est introduit ; mais lord Hutchinson, persuadé que la reine a déjà eu connaissance des propositions confiées à M. Brougham par lord Liverpool, attend qu’il plaise à sa majesté de mettre la conversation sur ce chapitre. La reine attend de son côté les offres de lord Hutchinson. On échange des banalités, on parle de tout et de rien, c’est presque une scène de comédie. Aurait-on voulu par hasard amuser la reine afin de gagner du temps ? Ce n’est pas elle qui se prêterait à pareil jeu. Le lendemain, 4 juin, lord Hutchinson reçoit un avis ainsi conçu : « M. Brougham ayant humblement expliqué à la reine qu’il avait lieu de croire que lord Hutchinson était porteur de propositions à elle adressées par sa majesté le roi, la reine a commandé à M. Brougham de prier lord Hutchinson de lui communiquer ces propositions par écrit dans le plus bref délai. » La reine évidemment ne voulait pas recommencer la conversation de la veille ; il fallait écrire et ne pas perdre une minute. Écrire, c’est chose grave pour un ambassadeur qui est chargé simplement de négocier d’une façon générale, et qui croit d’ailleurs que les écritures précises sont déjà faites. Lord Hutchinson n’a point qualité pour cela, il le dit fort nettement dans sa réponse au billet qu’on vient de lire. Seulement il se rappelle les intentions du roi, et, puisque la reine ne paraît pas les connaître, il les lui indiquera à titre de renseignement. Donc le roi propose de faire attribuer à la reine une pension annuelle de 50,000 livres (1,250,000 francs), mais cela sous des conditions expresses qu’il a fixées lui-même irrévocablement. Ces conditions, lord Hutchinson a lieu de croire qu’elles se résument ainsi : la reine ne prendra pas le titre de reine d’Angleterre, ni aucun autre titre appartenant à la famille royale ; la reine ne résidera jamais sur aucun point du territoire britannique, elle n’y fera même aucun voyage, aucune visite, sous peine d’être poursuivie devant le parlement et de voir la présente convention à jamais