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s’appuyant sur la chambre haute et sur la confiance du roi. La gauche réunie a été jusqu’à refuser de voter l’impôt, et il est probable que, sans la crainte d’une dissolution, elle renouvellerait aujourd’hui cette manœuvre. Enfin, ce qui est plus grave encore dans un pays où le patriotisme est si vif, elle a refusé les crédits que sollicitait le gouvernement en vue de la défense du territoire. Les amis des paysans ont fait entendre qu’ils ne consentiraient aux dépenses militaires projetées qu’à la condition que les ressources destinées à y faire face fussent demandées à un impôt sur le revenu. Par leur résistance obstinée, ils ont arrêté des travaux urgens et empêché des réformes indispensables. En s’associant à de pareils actes, les grundtvigiens du parlement ont donné un démenti aux idées qu’ils avaient mission de défendre ; le maître ne les reconnaîtrait plus, et les doctrines du Dansk folketidende, organe officiel de leur politique, font horreur aux amis fidèles de Grundtvig. Trois choses faisaient la force et la raison d’être du grundtvigianisme politique : la patrie, la religion, la liberté. Son tort fut de poursuivre exclusivement la dernière, en négligeant les deux autres.


IV

Les sermons, puis les livres et les journaux furent les premiers modes de propagande des doctrines grundtvigiennes ; mais Grundtvig, que son genre de vie avait naturellement porté à s’occuper des questions d’instruction, ne tarda pas à comprendre combien, pour l’expansion de ses idées, il était important d’agir non plus seulement sur des hommes faits, toujours difficiles à convaincre, mais sur des jeunes gens dont l’esprit est plus souple et l’âme plus accessible. Ce ne fut pas son moins beau rôle.

Par une singularité qui surprend de prime abord, le pieux pasteur de Vartou était un ardent apôtre de l’instruction primaire laïque : on a vu qu’il déposa une proposition dans ce sens au parlement. Il lui semblait que la religion est avant tout affaire de famille et d’éducation première. Les parens doivent initier leurs enfans aux premiers élémens de leur culte. Ceux-ci compléteront ensuite leurs croyances par leurs lectures et leurs réflexions personnelles. L’instruction religieuse banale et uniforme donnée par un instituteur communal remplit seulement la mémoire : elle est impuissante à frapper l’esprit et le cœur auxquels elle est destinée. — Au reste, l’instruction primaire ne peut guère comprendre que l’étude des moyens d’apprendre, comme la lecture, l’écriture, le calcul ; mais dans un pays qui prétend se gouverner librement, chez un peuple qui partage la souveraineté avec le roi, il ne suffit point d’être en possession de ces instrumens du travail de l’esprit. Pour