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Cornewall Lewis que « le prince, une fois décidé à avaler cette pilule amère du mariage, résolut de le faire de la manière la plus agréable au roi, et conséquemment de préférer sa nièce à celle de la reine ? » Le récit même, tel qu’il est présenté par Cornewall Lewis, ne permet pas d’admettre cette explication. Un jour, en revenant de la chasse, le prince de Galles entre chez le roi et lui annonce tout à coup l’intention d’épouser la princesse de Brunswick. Le roi dit qu’il n’a aucune objection à faire au mariage du prince avec sa nièce ; il lui conseille pourtant et de prendre des renseignemens sur sa personne et sur sa conduite. » N’est-ce pas là une réponse qui laissait au prince toute sa liberté, s’il avait voulu en faire le noble usage dont nous parlions tout à l’heure ? On dirait presqu’un avertissement. Le prince n’en fut guère ému, car il répondit négligemment qu’il était satisfait sur ce point. C’est le roi lui-même qui raconta plus tard cette conversation à lord Liverpool, celui-ci la transmit à lord Holland, qui la rapporte dans ses Mémoires du parti whig. Quoi qu’il en soit, la résolution du prince était arrêtée, et les choses marchèrent vite. Au mois de novembre 1794, lord Malmesbury fut chargé de se rendre à Brunswick et de demander pour le prince de Galles la main de la princesse Caroline ; au mois de décembre de la même année, le roi, dans son discours au parlement, annonça la conclusion du contrat de mariage.

Il serait difficile sans doute de citer une alliance où les convenances réciproques aient été plus complètement méconnues. Il fallait au prince de Galles une compagne de haute vie morale et de noble ascendant, il fallait à la princesse Caroline un guide sûr et respecté. Dès leur première entrevue, dont le seul témoin fut lord Malmesbury, les deux fiancés se firent horreur l’un à l’autre. Par son extérieur, par ses manières et sa conversation, la princesse excita immédiatement la répulsion du prince ; quant au prince, la réception qu’il fit à la princesse ne fut pas seulement froide, elle fut « repoussante, dit lord Malmesbury, et grossière au dernier degré. » Le jour du mariage, qui fut célébré dans la chapelle royale de Saint-James le 8 avril 1795, si violente était sa répugnance qu’il eut recours aux plus étranges moyens pour s’étourdir. Il avait bu des spiritueux avec rage et pouvait à peine se tenir debout. Sans l’assistance du duc de Bedford, qui marchait à côté de lui, il serait tombé au beau milieu du cortège. C’est encore un fait attesté par lord Malmesbury et raconté par lord Holland.

L’unique enfant de ce père et de cette mère vint au monde le 27 février 1796. C’était une fille, la princesse Charlotte. Le père n’était pas là, pour lui sourire ; il y avait six ou sept mois qu’il avait quitté sa demeure de Carlton-house, il habitait Windsor ou Brighton, laissant sa femme vivre de son côté comme bon lui semblerait.