« La main du roi et la voix du peuple, — toutes deux fortes, toutes deux libres, — on les a eues jadis en Danemark, — bien des siècles avant nous. — Malgré les malheurs, les craintes et les dangers, — puissent-elles régner longtemps — et donner dans un nouvel âge d’or — le bonheur au vieux Danemark.
« Odin lui-même dans la Walhalla — assemble les Ases en conseil… »
Le roi Frédéric VII comprit qu’il fallait céder, et avec un désintéressement qui lui valut jusqu’à sa mort une popularité immense, il prit en 1848 l’initiative de réunir une assemblée nationale chargée d’élaborer une constitution.
Deux grands partis se trouvaient en présence : d’un côté les nationaux-libéraux, comprenant la majeure partie des bourgeois des villes, des fonctionnaires, des professeurs et étudians, — d’un autre côté les conservateurs, composés de la noblesse et des grands propriétaires. Ces derniers, à qui la fortune donnait une grande influence dans l’état, étaient hostiles à l’idée d’une constitution qui leur apparaissait comme le point de départ d’une période d’égalité qui verrait sombrer leurs derniers privilèges ; mais, le nombre n’étant point avec eux, ils ne purent faire prévaloir leurs vues. Les libéraux furent les véritables auteurs de la constitution de 1849[1]. La représentation nationale (rigsdag) fut divisée en deux chambres : — le folkething, nommé par le suffrage universel, mais avec des garanties d’âge, de résidence et de moralité, — le landsthing, chambre haute, comprenant des membres nommés au suffrage à deux degrés avec adjonction des habitans les plus imposés aux électeurs secondaires, et douze représentans de la couronne. — Depuis que le Danemark est un état constitutionnel, le pouvoir a été presque constamment entre les mains des diverses fractions du parti libéral. Après une courte éclipse (1852-1854) pendant laquelle les conservateurs reparurent aux affaires, les nationaux-libéraux reprirent le pouvoir et ne le quittent plus jusqu’à la guerre de 1864. Ils poursuivaient une politique qui consistait à assimiler le Slesvig au Danemark, et à donner une constitution séparée au Holstein, — ligne de conduite patriotique, mais imprudente, qui conduisit à la fatale guerre de 1864 et au démembrement. Un instant, la couronne rappela les conservateurs au pouvoir pour conclure la paix, mais les libéraux ne tardèrent pas à les remplacer ; aujourd’hui l’ancien parti conservateur n’existe pour ainsi dire plus. La noblesse, qui avait d’abord témoigné des méfiances contre la constitution, vit bientôt qu’elle n’avait pas de meilleur palladium et s’y
- ↑ La constitution de 1849 a été révisée en 1865, mais elle a conservé ses traits principaux.