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meilleure forme de gouvernement, Rien de tout cela ne devait rester dans son esprit.

C’est après 1830 que se forma en Danemark le grand courant d’opinion qui devait seize ans plus tard forcer le roi Frédéric VII à accorder une charte à son peuple. L’expansion des idées françaises que la révolution de juillet avait remises en honneur dans toute l’Europe, le spectacle des tristes événemens dont les duchés de Slesvig et de Hoïstein furent le théâtre, poussèrent les esprits à s’occuper des affaires publiques. La lutte qui s’engagea dans les duchés entre l’élément allemand et l’élément danois eut pour effet immédiat de surexciter le patriotisme des deux partis. Des écrits de circonstance, brochures politiques, chansons, traités d’histoire, hymnes patriotiques, inondèrent le Danemark et passionnèrent l’opinion publique. Enfin l’insurrection des Allemands des duchés porta l’excitation au comble : le parti du Schleswigholsteinisme, qui prétendait prouver historiquement l’union des deux duchés et espérait par ce subterfuge annexer le Slesvig à la confédération germanique leva, comme on sait, l’étendard de la révolte, sous la conduite du duc d’Augustenbourg. Il fallut toute la bravoure de la valeureuse armée danoise, appuyée par la diplomatie européenne, pour venir à bout des rebelles, à qui la Prusse, ouvertement d’abord, secrètement ensuite, ne cessait d’envoyer des secours.

Cette crise terrible, ces dangereux symptômes de dislocation dans une monarchie déjà si souvent morcelée depuis quelques siècles, ouvrirent les yeux aux patriotes danois. On vit avec quelle faiblesse et par quelle série de fautes le gouvernement avait laissé les influences allemandes prendre pied dans les duchés de l’Elbe, comment une incurie séculaire avait permis à la langue allemande, symbole de la nationalité germanique, de supplanter le danois dans des provinces où il régnait exclusivement jadis… On comprit qu’il fallait prendre en main les affaires du pays, que le temps de la monarchie absolue était passé. Le courant constitutionnel prit une nouvelle force. Grundtvig, dans cette lutte dano-allemande, lutte de rase s’il en fut jamais, malgré la parenté qu’on se plaît à reconnaître aux Danois avec les Allemands, Grundtvig n’avait cessé de pousser à la résistance et de prêcher la guerre sainte. Il fut entraîné comme tout le monde. Il finît par croire aussi que, la monarchie absolue et traditionnelle étant impuissante à sauver le Danemark, l’heure avait sonné d’essayer le self-government. « Au XVIIIe siècle, écrivait-il en faisant allusion à la révolution de 1660, le peuple a donné la liberté au roi ; au XIXe siècle, le roi donnera la liberté au peuple. » Dès 1839, il composait un chant resté populaire qui marque sa conversion et dont voici le début :