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vait voulu, si on avait eu un sentiment clair et précis des conditions où se trouve la France, il y avait une politique simple, naturelle et efficace. Il fallait, non pas seulement aujourd’hui, mais dès le premier jour, choisir hardiment son terrain d’action, dissiper toute équivoque, décourager toutes les arrière-pensées, tous les calculs secrètement hostiles, et ne pas laisser aux partis cette ressource d’une distinction perfide entre les institutions et le « gouvernement du maréchal. » Si on pouvait rétablir la monarchie, que ne la rétablissait-on ? Dès qu’on ne le pouvait pas, il fallait accepter la situation telle qu’elle est, avec ses caractères et ses conséquences, s’y attacher résolument et aller droit au pays en lui demandant sans subterfuge de se rallier à ces lois constitutionnelles qui sont après tout sa sauvegarde. Le pays désire le repos, comme le dit M. le président de la république, oui sans doute ; il demande surtout à être éclairé et dirigé au milieu des confusions où il se débat, et il aurait certainement répondu à la confiance qu’on aurait mise en lui, à l’appel qu’on lui aurait adressé ; il se serait senti gouverné. En dehors même des masses, les hommes modérés de toutes les opinions, qui sont innombrables en France, auraient compris qu’ils avaient des guides, qu’ils pouvaient marcher sans crainte d’être abusés encore une fois, et c’était le meilleur moyen de vaincre les partis extrêmes, de les réduire à l’impuissance en réalisant cet idéal d’une politique vraiment conservatrice et libérale dans les institutions nouvelles. C’est le malheur de M. Buffet de n’avoir pas compris cette situation, d’avoir voulu gouverner par l’équivoque et les restrictions, d’avoir mis toute son habileté à grouper sous ce nom d’union conservatrice des partis hostiles sur lesquels il ne peut compter, qu’il ne peut satisfaire qu’en flattant leurs regrets ou leurs espérances, en faisant bon marché de la constitution au nom de laquelle il exerce le pouvoir.

À quoi donc arrive M. le vice-président du conseil par le système qu’il suit si obstinément, et dont ses amis, ses défenseurs, prétendent voir la confirmation complète dans la proclamation de M. le maréchal de Mac-Mahon ? Il provoque des crises ministérielles comme celle qui vient de se dérouler, qui a failli laisser le pays sans direction au moment le plus critique, et il nous conduit à cette situation électorale qui se dessine déjà, qui offre le spectacle, réellement assez étrange, d’une administration procédant un peu partout par l’exclusion des partisans de la constitution du pays. M. le président de la république, il est vrai, a plus d’une fois fait appel aux hommes modérés de tous les partis, et cet appel il le renouvelle dans sa récente proclamation. Malheureusement M. le ministre de l’intérieur et les préfets, qui exagèrent encore sans doute ses instructions, ont une ingénieuse manière d’interpréter cette parole dans la pratique électorale. A leurs yeux, ceux qui semblent prendre tout simplement au sérieux la république conservatrice et la constitution du 25 février, ceux-là ne sont plus des modérés ; ce sont des