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faudrait pas se méprendre sur ce terme de conte, qui en espagnol a beaucoup plus d’extension que dans notre langue ; il sert à désigner en général toute sorte de récit court et familier, quel qu’en soit le sujet, possible ou fantastique, imaginaire ou réel. Ainsi chez Trueba, bon nombre de ces contes, il les a entendus tout enfant : le surnaturel y joue un grand rôle, et la donnée est toute fabuleuse ; en France, en Italie, en Allemagne, on les retrouverait circulant avec quelques variantes. Qu’on y ajoute une foule de légendes purement locales, de traditions empruntées à l’histoire du pays, et l’on aura comme un aperçu des richesses où Trueba a pu puiser à pleines mains. Tantôt c’est un voisin, beau parleur, qui le soir, lorsque toute la famille est réunie autour du foyer, charme par ses récits les longues heures de la veillée ; tantôt c’est la mère-grand, au milieu d’un cercle de têtes curieuses, qui parle à ses petits-enfans des mille choses du temps jadis et entraîne au pays des rêves leurs jeunes imaginations. « A la porte de notre maison, écrit Trueba, se trouvait une belle treille, et là, durant les paisibles après-midi de printemps, mon aïeule, que Dieu ait son âme, nous contait, à mon frère et à moi, des contes fort jolis, tout en faisant aller son rouet, parce que la bonne femme se disait, non sans grande raison : — Mieux vaut que les petits diables restent ici à écouter mon bavardage que de grimper sur les noyers et les cerisiers pour déchirer leurs vêtemens. » Plus tard Trueba, devenu écrivain, a fait des contes populaires une étude toute spéciale : de ci, de là, par les chemins, à pied, en diligence, s’arrêtant dans les fermes, faisant causer les femmes et les enfans, il a recueilli une foule de légendes inédites et complété sa collection. Enfin, dans bien des cas, il a fourni lui-même le fond du récit ; parfois il se donne libre carrière, inventant son drame de toutes pièces. Le plus souvent, là encore, il a recours à ses souvenirs et se contente de traiter des faits dont il a été lui-même l’acteur ou le témoin : ces derniers contes mériteraient plutôt le titre de nouvelles, et peut-être ne seraient-ils, entre tous ceux de l’auteur, ni les moins intéressans, ni les moins bien dits.

Cependant les uns et les autres se ressemblent toujours par un point, par la forme, qui est la forme populaire. Depuis plusieurs années déjà, dans la plupart des pays de l’Europe, on s’occupe de rechercher activement fables, contes de fées et autres documens épars de l’imagination du peuple. C’est là en effet pour l’homme d’études un champ inépuisable d’observations curieuses sur le caractère et l’esprit des races aux diverses époques ; mais deux façons se présentent d’abord d’en rendre le travail. Faut-il, par scrupule d’érudit, se contenter d’écrire à la dictée, et, pour le plus grand