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superposées des bateaux à vapeur, mais sont beaucoup plus larges et à deux places au besoin. Le couloir du milieu reste libre, et il est éclairé toute la nuit par des lanternes suspendues au plafond. Le jour, toute la literie disparaît ; elle est remisée dans l’espace resté vide contre la paroi supérieure du car, celle où couchait le voyageur d’en haut. C’est surtout dans ces ingénieuses installations que consiste l’invention de M. Pullman.

Les compagnies de sleeping-cars sont indépendantes de la compagnie du railway où elles font courir leurs voitures. Elles paient pour le parcours de celles-ci une somme de tant par mille et réclament des voyageurs de 1 1/2 à 2 dollars par nuit et par couchette. Le jour, le lit démoli, on garde sa place et l’on occupe par conséquent deux sièges. Il y a quelques compartimens entièrement séparés, à deux ou à quatre places, et quelquefois un salon fermé où une famille tout entière peut s’isoler. On dort bien dans les lits, et l’on n’y est pas trop secoué, sauf sur quelques voies très mal entretenues ; alors tout sommeil est impossible. La plupart se déshabillent entièrement pour se coucher. Le matin, le nègre qui veille à la bonne tenue du car bat les habits, cire les bottes. Les voyageurs se rendent tous, en bras de chemise, à un lavabo commun où l’on trouve du savon, un peigne, une glace, même une brosse à ongles. Peigne et brosse sont quelquefois retenus par une chaînette, pour qu’il ne vienne à personne l’idée de les emporter. Une serviette, qui tourne autour d’un rouleau supérieur, à la façon d’une chaîne sans fin, sert à essuyer égalitairement tous les visages. Sur quelques voitures, on se pique de générosité, et l’on donne un linge à chacun. Les dames ont généralement leur lavabo à part. Aucun désordre, aucune plaisanterie de mauvais ton, ni aux levers, ni aux couchers, et la discrétion, l’extrême réserve des mœurs américaines, le respect extérieur dont on entoure partout les femmes, permettent une sorte de contact intime des deux sexes entre personnes le plus souvent inconnues les unes aux autres, contact qui ne serait peut-être pas sans inconvénient ni sans danger ailleurs.

Veut-on encore plus de luxe, plus de confort, voici sur le chemin de l’Erié, sur celui de l’Hudson et quelques autres, des compartimens spéciaux avec de grandes glaces aux fenêtres, qui permettent d’embrasser d’un coup d’œil tout le pays traversé, et des fauteuils entièrement isolés, pivotant sur un axe vertical de manière que le voyageur puisse faire un tour d’horizon, ou regarder du côté de la rose des vents qu’il lui plaît. Voici encore le restaurant roulant, que nous avons vu fonctionner sur le chemin de fer de l’Hudson en allant à Chicago. Une cuisine est attachée à l’arrière du palace-car, on vous sert à déjeuner, à dîner, à votre heure, sur une carte dressée chaque jour. Vous pouvez demander du poisson, de