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que les efforts tentés sont loin d’être concluans : un examen rapide en donnera une idée.


III

Depuis 1794, époque où furent expédiés les quelques barils de viande séchée et salée par le procédé des pêcheurs de morue, la fabrication du tasajo n’a fait aucun progrès ; elle a été plus ou moins grande suivant l’état de tranquillité du pays, et les prix ont varié en conséquence, mais les consommateurs sont restés les mêmes, et le goût de cet aliment peu agréable ne s’est développé sur aucun marché nouveau. Le prix du tasajo a varié à Buenos-Ayres entre 1 et 7 piastres argent le quintal ; ce n’est que tout récemment que ce dernier prix a été atteint, et l’on ne saurait l’attribuer à de nouvelles demandes, la hausse résulte uniquement de la diminution de l’offre. Les estancieros platéens feraient fausse route, s’ils envisageaient cette plus-value de la viande salée comme une augmentation de richesse acquise ; elle n’est en réalité qu’un signe de décadence et l’avant-coureur d’une ruine prochaine, que seule pourrait éloigner la découverte d’un moyen pratique de conservation de la viande fraîche qui, en rendant la production lucrative, ramènerait les estancieros à l’élevage. Ce problème a une importance universelle et intéresse au même degré l’Europe et le pays producteur : aussi des primes ont été simultanément offertes par la France, l’Angleterre et la république argentine pour le meilleur procédé de conservation de la viande à l’état frais. Pour le moment, après des essais de toute nature, les plus habiles sont arrivés à poser le problème. Ceux qui se sont le plus approchés du succès ont présenté des viandes d’un aspect acceptable, mais d’une saveur répugnante.

Ce qui est démontré, c’est que l’air, la chaleur, l’humidité, sont les agens actifs de décomposition qu’il faut combattre, — que le froid au contraire est un agent de conservation que l’on peut utiliser : la question est d’éloigner ces ennemis ou d’employer cet auxiliaire, mais elle est plus vite posée que résolue. C’est qu’il y a encore d’autres élémens du problème dont il faut tenir compte, par exemple la condition de fabriquer par grandes quantités, de conserver à la viande son aspect naturel, de lui faire traverser les chaleurs des tropiques : toutes ces difficultés diverses arrêtent également les inventeurs.

L’agent le plus actif de la putréfaction étant l’air atmosphérique, tous les systèmes présentés jusqu’à ce jour tendent à en écarter l’action. On a essayé de toutes les substances, de l’huile comme les