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800 ou 900 pieds de haut ; les têtes des moines apparaissent microscopiques sur les balcons de bois en saillie qui couronnent leurs donjons. On y grimpe par un sentier en lacets, on pénètre par derrière en franchissant le torrent sur le pont-levis, on débouche du porche voûté sur un étroit plateau où les constructions ramassées se pressent autour de l’église comme si elles tremblaient de tomber dans l’abîme. Ce sont les burgs du Rhin avec un bien autre mépris du vertige, un cadre bien plus saisissant, adossés à un pic des Alpes, plongeant sur l’infini de la mer. — Simopétra est la dernière station avant de revenir à Saint-Pantéleimon, notre point de départ ; nous y dormons notre dernière nuit de route, dans un frêle appentis de solives soudé à la tour, en surplomb de 1,000 pieds au-dessus des flots, dont la plainte profonde nous arrive comme un vagissement d’enfant. Est-ce au bercement éternel de cette voix que la pensée assoupie de nos hôtes doit son immuable sommeil ?


II

Avant de chercher à éveiller cette pensée confuse pour en déterminer le domaine et la valeur, il nous reste à compléter le cadre historique où elle se meut et qui l’explique en partie ; nous demanderons ce supplément d’informations à l’art, à la langue jeune et inconsciente qui trahit mieux que toute autre les qualités et les défauts d’une race. L’étude du vaste musée que nous venons de parcourir est d’ailleurs le grand attrait du voyage à la montagne sainte. — Seul entre toutes les épaves du monde byzantin, l’Athos a gardé les témoignages d’un art vivace, complet, adéquat à lui-même dans toutes ses manifestations, architecture, peinture, orfèvrerie, bibliothèques : nous venons de les voir se dérouler devant nous à chaque pas, nous enseignant ce que fut le passé qui les a produits, ce qu’est le présent quand il les imite.

L’ensemble des constructions essentielles se reproduit dans tous les monastères sur un plan uniforme. C’est, selon les exigences du site, un carré ou un trapèze, compris dans une enceinte de hautes murailles, parfois indépendantes et flanquées de tours, le plus souvent faisant corps avec les bâtimens d’habitation. Ceux-ci s’agglomèrent dans un désordre insouciant au dedans de cette enceinte, autour de la cour intérieure où s’élève l’église principale, le Catholicon ; chaque siècle a apporté son corps de logis, son oratoire, sa pierre, sans respect pour l’harmonie primitive du plan. À l’étage inférieur et parfois à ceux qui le surmontent, sur une partie du pourtour, règnent des galeries en forme de cloîtres ; elles prennent jour sur la cour par des arcades cintrées, que supportent des piliers à chapiteaux byzantins. Au-dessus de ces loggie, les étages