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prospérer dans cette contrée : ils viennent très bien partout où l’on a essayé de les acclimater par des soins intelligens. Une population plus dense ne tarderait pas à transformer ce pays, et pourrait en faire un grenier d’abondance ; n’est-ce pas ce qui est arrivé pour la Californie, en dépit de toutes les prédictions contraires ? Aujourd’hui les habitans du Transvaal trouvent dans la culture de leurs champs la satisfaction de leurs besoins, mais le manque de routes et de cours d’eau navigables serait un obstacle à l’écoulement des produits qui ne peuvent être consommés sur place ; il en résulte que rien ne vient stimuler l’initiative individuelle, qui sommeille en attendant que la population se soit assez multipliée pour qu’il soit possible de songer à une exploitation plus productive des richesses du sol. Il est vrai qu’il faudrait aussi trouver un remède efficace contre le fléau terrible qui est toujours suspendu sur les cultures, les essaims de sauterelles qui en quelques heures détruisent les récoltes et dévorent l’herbe, le feuillage des arbres, tout ce qui pousse et tout ce qui verdoie.

De Potchefstrom, on remonta dans la direction du nord jusqu’au camp des mineurs établis sur les rives du Tati, qui exploitent les maigres gisemens d’or signalés par le voyageur Mauch. Un gentleman anglais, sir John Swinburne, y avait amené à grands frais une machine à vapeur pour broyer la roche et une locomobile, qu’il venait de promener, par les fondrières africaines, sur une distance de 900 kilomètres, avec un attelage de trente-deux bœufs ; il avait voulu l’installer près d’une autre mine, située plus au nord, mais les indigènes y voyaient une sorcellerie inventée pour s’emparer de leur pays, et l’avaient repoussée avec indignation. C’est à ce gentleman qu’arriva une aventure de serpent qui mérite d’être notée.

Les serpens existent en si grand nombre qu’on peut s’étonner de la rareté relative des accidens. Le plus dangereux est le mhamba, espèce de cobra qui atteint une longueur de 2 mètres 1/2 ; il est arrivé qu’un de ces reptiles ait poursuivi des cavaliers lancés au galop pendant plusieurs kilomètres. Les pythons au contraire, qui ne sont pas venimeux, remplissent dans les plantations de sucre l’office des chats en les débarrassant des rats et des souris ; on les trouve tranquillement couchés dans les sillons, nullement effrayés par la présence de l’homme. Ils atteignent parfois une longueur de 6 mètres. Un des serpens les plus curieux de cette contrée est le serpent cracheur, qui lance son venin à une distance de cinq ou six pas. Un jour, M. Mohr était resté jusqu’à onze heures du soir à causer avec sir John Swinburne à la porte de sa cabane, et il avait repris le chemin de son campement, accompagné de M. Swinburne, lorsque tout à coup, à une distance de 3 mètres, un serpent se dressa devant eux à hauteur d’homme, et en sifflant lança une salive venimeuse dans la direction de sir John avec tant d’adresse