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de remèdes à l’usage des boers, et gagna prestement la frontière voisine, car il avait su qu’on attendait le médecin anglais de Ladysmith, qui n’eût pas manqué de le dénoncer pour exercice illégal de la médecine. — Ce dernier, un gentleman aimable et instruit, arriva dans la journée et se contenta d’ordonner le repos et une chaleur douce. Au bout d’une semaine, je fus debout, et je pus profiter d’une occasion pour reprendre mon voyage. »

On arriva ensemble à Potchefstrom le 27 avril, après avoir rencontré en route des troupeaux d’antilopes, de bouquetins, de zèbres, de gnous, qui couvraient la plaine à perte de vue. Le gnou, cet être bizarre qui tient à la fois du bœuf et du cheval, a le sabot fendu, une queue comme le cheval, une crinière coupée en brosse comme le zèbre, et une houppe de poils sur le nez qui lui donne un aspect passablement sauvage ; aussi les Hollandais l’appellent-ils wilde beest, quoique ce soit un des animaux les plus inoffensifs. Très curieux de leur nature, les gnous, lorsqu’on les surprend au pâturage, se retournent tous comme au commandement, grognent, vous regardent d’un œil étonné, se cabrent tout droits, ruent furieusement, et s’enfuient au galop, non sans s’arrêter de temps à autre pour regarder encore celui qui les. poursuit. C’est un spectacle des plus drôles de voir galoper un troupeau de quelques centaines de ces animaux avec des gambades et des bonds audacieux. Leur nourriture est une graminée particulière que dédaigne le bétail. On en rencontre parfois des troupeaux innombrables que l’on voit paître aussi loin que s’étend le regard. Pour donner une idée de leur fréquence, il suffira de dire que M. Mohr rencontra un jour entre Potchefstrom et les Monts-Draken dix-huit voitures chargées de peaux sèches de ces animaux ; or, chaque voiture portant facilement 3,000 kilogrammes et une peau bien sèche ne pesant pas plus de 6 kilos, il est aisé de calculer qu’il y avait là les dépouilles de 9,000 gnous pour le moins. Malgré ces massacres, le nombre des gnous n’a pas encore diminué d’une manière sensible, et il en est de même des antilopes.

Potchefstrom est une bourgade de 400 ou 500 âmes, qui ressemble à toutes les colonies fondées par les boers : de larges rues, qui se coupent à angles droits, dans chacune un ruisseau d’eau vive, et derrière chaque maison un verger et un potager. on y trouve une église, une station de poste, un hôtel, des boutiques de toute sorte ; tous les six mois arrive la diligence de Port-Élisabeth, qui met environ quinze jours à franchir la distance d’environ 900 kilomètres. Sous le rapport du climat et de la qualité du sol, le Transvaal est l’une des contrées les plus favorisées du globe. Les médecins anglais commencent à y envoyer les poitrinaires. Avec un système d’irrigation rationnel, on pourrait convertir en champs fertiles d’immenses étendues de ces plaines, arrosées par des pluies abondantes qui s’écoulent trop vite pour féconder le sol. L’absence de forêts ne doit pas faire croire que les arbres ne puissent