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obtenait des contractions musculaires produisant des mouvemens d’ensemble. Ils en ont conclu que les circonvolutions cérébrales ne sont pas excitables, et qu’il n’existe pas de centres moteurs spéciaux.

Puisque la même expérience était diversement interprétée, il fallait recourir à d’autres procédés opératoires. C’est ce qu’ont fait MM. Nothnagel, Heidenhain et surtout M. Beaunis. M. Beaunis a imaginé de faire au crâne une ouverture au moyen d’un petit perforateur et d’introduire par là quelques gouttes d’un liquide caustique, le chlorure de zinc ou l’acide chromique par exemple. On peut ainsi détruire des régions bien localisées de substance cérébrale et pendant longtemps en observer à loisir les effets. Cependant cette méthode ingénieuse n’a pas encore donné de résultats positifs, et nous voilà forcés de reconnaître l’insuffisance de la méthode expérimentale sur cette question de la localisation cérébrale. Tout au plus peut-on dire que, si elle est probable, elle n’est pas encore démontrée.

Les observations pathologiques ne peuvent pas être provoquées : le médecin doit s’efforcer de guérir un malade ; il ne peut pas expérimenter sur lui, et il faut qu’il se garde bien d’imiter la conduite criminelle de ce médecin américain nommé Bartholow, qui, il y a un an à peine, désireux d’étudier cette question controversée, a osé enfoncer des aiguilles électriques dans le cerveau d’une femme dont le crâné avait été détruit par une tumeur envahissante. Ce sont des hardiesses auxquelles les médecins du vieux monde ne sont pas encore accoutumés. Ici on se contente d’observer les malades pendant la vie et d’examiner les organes après la mort pour essayer d’établir une relation de cause à effet entre la perte d’une fonction et la lésion cérébrale concomitante. Pour ce qui concerne la moelle épinière, on peut dire que la science est très avancée : quand le diagnostic de telle ou telle maladie est dûment établi, on peut annoncer hardiment quel en est le siège et la cause anatomique immédiate ; mais pour le cerveau, il est loin d’en être ainsi, et il règne dans la pathologie de l’encéphale une incertitude fâcheuse qui ne permet un diagnostic anatomique que dans des cas assez rares.

Toutefois il ne faut pas exagérer notre ignorance. Il y a des faits bien précis, bien positifs, que tout récemment M. Charcot a exposés devant la société de biologie en réponse à M. Brown-Séquard ; je n’en citerai que quelques exemples. D’abord il est certain que les lésions des circonvolutions du côté gauche paralysent les mouvemens du côté droit, et réciproquement ; mais la sensibilité reste intacte. A vrai dire, on ne sait pas quel est, dans les circonvolutions cérébrales, le siège de la sensibilité ; cependant on est sûr que les troubles de la sensibilité sont dus aux lésions des couches optiques, et que les troubles du mouvement sont la conséquence des lésions qui siègent dans les corps striés. Pour citer un exemple classique, et dont j’ai eu l’occasion de parler dans la Revue, je rappellerai que l’aphasie ou perte du langage articulé