Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 13.djvu/201

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

répartis sur cette surface, autour desquels auraient rayonné ces espèces, mais d’époques successives, dont les descendans se partagent encore le globe. Les climats de ces ères anciennes persistent aujourd’hui. Pour n’en citer que quelques-uns, celui des premières, des plus chaudes, s’est conservé dans les sources thermales au milieu desquelles vivent certaines plantes, celui de l’époque éocène sous les tropiques, celui de la période miocène du Groenland dans l’Europe tempérée, celui de l’époque glaciaire dans la zone arctico-alpine. Les intermédiaires sont nombreux. Ce qui fait la richesse de la terre, c’est précisément cette étonnante variété, variété qui s’est prononcée davantage à mesure que le globe vieillissait dans la série des âges géologiques : l’homme est apparu pour en jouir précisément quand cette variété, essentiellement accommodée aux besoins multiples de son organisation, devait faciliter la vie pastorale autant que la chasse, puis permettre l’échange entre les productions des différens climats, et fournir au commerce les élémens nécessaires. L’homme a connu sur notre planète des animaux disparus aujourd’hui, tels que le mammouth de Sibérie et le grand cerf d’Irlande, et peut-être a pu sauver d’une époque antérieure des végétaux qui ne se reproduisent plus sans culture, le blé par exemple, dont aucun voyageur n’a constaté la spontanéité d’une manière certaine. L’homme est plus jeune non-seulement que le sol qu’il foule, mais que les végétaux dont il se nourrit. C’est là une vérité générale, acceptable comme démontrée ainsi que les grands faits retracés dans cette esquisse ; elle prouve que, si l’on ignore bien des détails dans l’histoire de la création, on est parvenu déjà à une somme de certitudes imposante. Une tâche plus importante encore incombe à nos successeurs : dans l’histoire de la terre comme dans l’histoire du langage, en paléontologie comme en philologie, et dans bien d’autres branches de nos études, la connaissance du passé, c’est le secret de l’avenir.


EUGENE FOURNIER.