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tantôt au Japon et en Chine, tantôt aux îles de la Sonde et même aux Philippines[1].

L’époque glaciaire est plus intéressante encore. Elle appartient, avons-nous dit, à l’époque qui a précédé la nôtre, et qui a vu sans doute, au moins dans la dernière partie de son ère, commencer les développemens de l’homme. Nos premiers ancêtres, à l’occident de l’Europe, ont vécu dans des cavernes ou dans des habitations rudimentaires construites sur pilotis au milieu de lacs à demi glacés. La nature au dehors était inclémente pour eux. Par suite d’un refroidissement momentané encore inexpliqué, la plus grande partie de notre hémisphère fut ensevelie sous les neiges, et les sommets se chargèrent d’immenses glaciers dont les moraines ont strié ou poli les roches sous-jacentes et creusé nos vallées. De ces moraines se détachaient des blocs qui emportaient des graviers et de la terre, et qui ont été les agens les plus certains du transport des espèces végétales. À cette époque se rattachent toutes les espèces qui côtoient encore aujourd’hui les neiges perpétuelles au cœur des grandes Alpes ou dans la région polaire, au Groenland, au Spitzberg et dans la Sibérie orientale, et celles qui, souvent identiques, ont franchi des espaces immenses pour atteindre non-seulement les Pyrénées, mais encore les sommets des monts Cameroons dans l’Afrique occidentale, ou ceux d’Abyssinie dans l’Afrique orientale » Il y a là une époque des mieux caractérisées, et une époque de création par excellence, car les plantes qui vivaient près des glaciers n’ont pu exister aux époques antérieures[2]. C’est une époque de création, mais où lui assigner un centre ? La flore qui la caractérise est née d’une manière large, simultanée, générale, sur la moitié septentrionale de notre hémisphère, sauf la région arctique, alors trop froide[3], et peut-être aussi sur l’Himalaya ; mais elle est variée, quoique toujours alpine, et diffère aussi bien dans l’Amérique boréale qu’au sommet de nos Alpes et sur le plateau élevé du Thibet. Cette variété même empêche d’adopter l’hypothèse d’une origine commune, d’un point de départ central.

Ainsi, pour nous résumer, la diversité étonnante des espèces qui peuplent la surface du globe dépend non de centres de création

  1. Voyez les Études sur la végétation du sud-est de la France, de M. de Saporta.
  2. Aussi ces espèces ne paraissent-elles aucunement se relier aux types qui les ont précédées. C’est là, pour le dire en passant, un argument à joindre à ceux que M. de Quatrefages a développés dans la Revue contre le darwinisme. Voyez la Revue des 1er et 15 mars 1869.
  3. La période glaciaire n’a pu qu’éteindre toute végétation dans la zone arctique, que repeupla plus tard un courant marin venant de la Sibérie orientale, où flottaient des bois, des blocs de glace et de pierre, comme il s’en trouve encore au dégel dans les mers polaires au moment des débâcles.