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rendue à des conditions antérieures, admettrait sur ses rives des végétaux chassés jadis sur les montagnes par la chaleur de ses étés.

Une création locale doit être une dans son essence, et surtout dans une île isolée par sa position géographique. Si les partisans des centres de création avaient connu la flore de la Nouvelle-Calédonie, une des dernières conquêtes de nos naturalistes, ils eussent hésité non-seulement devant le caractère évidemment ancien de cette flore, mais surtout devant les affinités multiples qu’en révèle l’examen. Un centre de création suppose des végétaux disséminés autour d’un point de départ dans une aire homogène. Dans notre colonie polynésienne, rien de pareil : à côté d’un grand nombre de types spéciaux à cette île, ou du moins non encore observés ailleurs, on en trouve beaucoup d’autres dont les affinités s’échelonnent sur une double direction, relient la Nouvelle-Calédonie d’une part aux Moluques, à Java et aux îles intermédiaires, d’autre part à l’Australie et même à la Nouvelle-Zélande ; sur les plus hauts pics de l’île habitent enfin des végétaux qui rappellent ceux de la flore antarctique, comme ceux des Alpes et des Pyrénées dans l’hémisphère boréal se retrouvent au Spitzberg et au Groenland. Comment trouver dans un assemblage aussi bigarré les caractères d’un centre de création ?

On peut en dire autant de l’Australie, bien que cet immense continent soit encore, dans son ensemble, moins connu que la petite région néo-calédonienne. Il y a peu d’années, on se plaisait à citer toujours l’Australie comme un monde à part dont les productions différaient toutes de celles du reste du globe. Les découvertes récentes, dues au zèle persévérant de l’honorable directeur du jardin des plantes de Melbourne, le baron F. de Müller, ont du modifier quelque peu cette opinion. Sans doute les types étranges, à faciès australien, les eucalyptus à feuilles verticales, les goodéniacées à larges cloches ailées, les épacridées, sortes de bruyères spéciales à la Nouvelle-Hollande, les protéacées.aux appareils floraux étranges, n’ont pas diminué, mais nous en connaissons mieux la distribution géographique. C’est la partie orientale, sous le parallèle de Sidney et au-dessous, que les types australiens rendent si remarquable ; la côte occidentale, surtout si l’on s’élève au-dessus de la rivière des Cygnes et de la baie Champion, ne possède plus que peu d’espèces de celles qui croissent sous le même parallèle dans les districts orientaux. Il y a plus, les déserts de l’intérieur, bien que peuplés par une végétation particulière (des casuarinées, sortes de prêles arborescentes, des acacias à feuilles entières), n’ont pas la même flore que le littoral de l’est, et les types spéciaux à la Nouvelle-Hollande n’atteignent guère la partie septentrionale de ce