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Göttingue a consacré quarante années, est en effet l’étude approfondie de cette harmonie constante qui se révèle à l’observateur entre la plante et les conditions où elle doit vivre, entre le caractère botanique et le caractère climatérique de la région ; c’est même là le côté spécial de son œuvre, dont la meilleure partie est celle qui lui appartient le plus, et c’est à cause de ce mérite original que l’on ne saurait trop remercier le naturaliste éminent, le voyageur célèbre, qui a distrait d’une vie si fructueuse le temps employé au labeur d’une telle traduction.

Examinons donc, le livre de M. Grisebach à la main, quelles sont les conditions climatériques qui déterminent la végétation d’une contrée ou même d’un coin de terre. Parmi ces conditions, il faut considérer d’abord la latitude, facteur des plus importans, dont la valeur n’est pourtant pas aussi absolue qu’on le croit communément, — ensuite l’altitude, qui a pour effet général d’abaisser la température, — puis la position du lieu par rapport aux grandes étendues d’eau, qui tempèrent l’ardeur de l’été aussi bien que la rigueur de l’hiver, — la direction des vents régnans, qui rendent l’atmosphère humide s’ils ont passé sur un océan, sèche s’ils soufflent de l’intérieur, chaude s’ils viennent du midi, froide s’ils descendent du nord, — enfin l’abri que des remparts naturels créent pour certaines localités privilégiées. Telles sont les stations recherchées chaque hiver par les malades, par exemple les environs de Nice ou le littoral génois, ou même les rives embaumées des grands lacs de l’Italie septentrionale, où l’on jouit en hiver, protégé par les hautes cimes des Alpes contre l’âpreté du mistral, d’une température plus douce qu’on ne la trouverait à Pise ou même à Rome.

Chaque pays a ainsi son climat particulier, déterminé par des conditions locales, et déterminant à son tour la végétation. Aussi chaque coin de terre, chaque versant de montagne, pour ainsi dire, choisit-il dans la flore générale de la contrée à laquelle il appartient les végétaux le mieux adaptés à sa nature, de même que la contrée entière semble les avoir choisis dans la flore générale du monde. Or ces conditions, locales ou générales, ne sont que l’expression de l’état actuel des parties du globe, de ce globe qui a tant varié depuis qu’il s’est tant refroidi, et dont les continens visibles à nos yeux sont tous sortis du sein des eaux ou du cratère des volcans. Si cet état se modifiait, ne fût-ce que sur un point, la constitution des autres pays varierait proportionnellement, car les courans marins et atmosphériques les rendent tous solidaires. Si le Sahara par exemple, dont certains chotts sont au-dessous du niveau de la mer, était envahi par les eaux, on ne verrait plus le simoun, le vent brûlant du désert, échauffer la région méditerranéenne, qui,