Rien n’est plus différent de la flore méditerranéenne que celle qui la suit immédiatement, celle du Sahara. Dans la première, le feuillage est vert et luisant, parfois développé jusqu’à l’exubérance ; dans la seconde, il se contracte, se réduit au strict nécessaire, voire à quelques épines, se revêt de poils pour se garantir contre l’évaporation, se couvre d’une couche cireuse qui le défend contre l’ardeur du soleil et lui communique une teinte glauque, poussiéreuse, commune à tous les bas buissons du désert. C’est cette teinte neutre qui, ne se détachant pas sur le sol, fait croire à première vue que le désert est dépourvu de végétation. En général il n’en est rien ; mais sur le sable, au lieu de plantes annuelles, que le manque d’eau tuerait avant leur développement, — ce qui domine, ce sont des légumineuses sans feuilles, des rutacées épineuses, des tamarix, des genévriers à port de jonc, des crucifères et des chénopodiacées buissonnantes ; lorsqu’une source, un puits permet l’établissement d’une oasis, alors seulement à l’ombre du dattier, — l’olivier du désert, — ou du palmier down, se développent les plantes herbacées propres au pays et les céréales.
La région désertique n’est pas limitée à l’Afrique ; elle se propage par l’Arabie à travers les steppes de la Perse et de l’Afghanistan jusqu’à l’Indus, au-delà duquel quelques-uns de ses végétaux se retrouvent encore, atteignant le pied de l’Himalaya. Si la région méditerranéenne est la région de l’antiquité classique,. celle du désert appartient à l’antiquité biblique, aux nomades, aux pasteurs et aux caravanes ; parfois encore de nos jours nos colonnes de zouaves y ont cru voir tomber du ciel la manne des Hébreux, sous forme d’un lichen comestible que le vent détache et emporte à de grandes distances. M. Berthelot, l’ayant analysé chimiquement, y a constaté la présence de la mannite. Nos soldats s’en sont nourris, mais en passant et non pendant quarante jours ; il est vrai que l’état de leurs approvisionnemens ne nécessitait aucune intervention miraculeuse.
En continuant toujours vers le sud, nous verrions le Sahara faire place à une région toute différente, peu explorée encore, la région équatoriale de l’Afrique avec ses mimosées et ses graminées, le baobab, les arbres à encens, le dragonnier, région à grands fleuves et à pluies périodiques, dont nous retrouvons l’analogue en Amérique dans le bassin beaucoup mieux connu de l’Amazone. L’Amazone, ce fleuve au cours si long, si paisible et si large, une petite Méditerranée, ouverte à l’est, celle-là, par les bouches du Para, étendue à perte de vue pendant la saison des pluies, recevant du sud les grands fleuves du Brésil, du nord une partie des eaux de l’Orénoque, de l’ouest les torrens qui tombent du faîte de la Cordillère,