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une critique sérieuse fondée sur les faits ; on verra aussi, nous l’espérons, combien les découvertes récentes sont favorables au contraire à la doctrine des époques de création, établie sur l’apparition successive des végétaux.


I

Si l’on jette un coup d’œil général sur l’ensemble des végétaux, on reconnaît bientôt qu’ils se groupent par types d’aspect semblable dans certaines aires qu’ils caractérisent, et auxquelles on a donné le nom de régions naturelles. L’un des vétérans de la science allemande, M. Grisebach, professeur à l’université de Göttingue, dans un ouvrage récent qui appelle l’éloge aussi bien que la critique, admet un peu arbitrairement vingt-quatre de ces régions pour la totalité du globe. Avant d’examiner la valeur de ces subdivisions, nous commencerons, pour fixer les idées, par en citer trois : la région méditerranéenne, la région saharienne et la région de l’Amazone.

La région méditerranéenne, la seule connue de l’antiquité classique, enceinte au nord par les Pyrénées, les Alpes et les Balkans, au sud par l’Atlas africain, limitée à l’est par les hauts plateaux de la Syrie, à l’ouest par ceux de l’Espagne, voit naître sur les rives de son grand lac intérieur les arbrisseaux les plus divers, caractérisés par la persistance de leur feuillage : les chênes verts, le myrte, le grenadier, les orangers, le laurier-rose, les cistes, les acanthes, l’olivier et plusieurs arbres de la même famille. Un ciel toujours pur, des plages que les montagnes abritent contre les vents âpres du nord ou contre les vents chauds du désert, une mer dont l’humidité bienfaisante tempère les ardeurs du soleil, et que l’étroite fracture de Gibraltar protège même contre les marées, tels sont les élémens du climat méditerranéen, qui se révèle subitement au voyageur surpris quand il descend le Rhône entre Montélimart et Orange, et qui cesse aussi subitement sur les derniers contreforts méridionaux de l’Atlas, au contact desséchant du Sahara. Toutefois le caractère botanique de la région ne reste constant qu’au-dessous d’une certaine élévation, et, bien que l’on retrouve quelques-unes des mêmes plantes communes, soit entre la Sierra-Nevada d’Espagne et les cimes du Maroc, soit entre les sommets de l’Algérie du sud et ceux du Liban ou du Taurus, cependant l’Apennin, dès qu’on dépasse 400 mètres, offre des essences forestières identiques ou analogues à celles de l’Europe septentrionale, et les montagnes de la Grèce ont une végétation spéciale : en fait de lauriers, le sol du Parnasse ne produit que ceux des poètes.