Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 13.djvu/152

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comte du palais, l’empereur en prenait la présidence dans les causes importantes. La procédure était la même que dans les tribunaux des comtes ; le prince ne prononçait son arrêt qu’après avoir pris l’avis de chacun des membres du conseil ; il y a d’ailleurs des exemples qui prouvent qu’il n’était pas tenu de suivre l’opinion de la majorité ; Eginhard assure même qu’il pouvait juger sans son conseil. Les capitulaires proclament en effet plus d’une fois que le roi a le droit de prononcer suivant sa seule conscience et ses lumières, et qu’il peut punir suivant sa volonté.

Il n’existait donc à aucun degré de l’administration judiciaire ni un véritable jury, ni une magistrature indépendante. Toute justice émanait du prince et était rendue ou par lui-même ou par ses délégués. Elle faisait partie de l’autorité publique et se confondait avec l’administration. Juger était encore une fonction éminemment royale[1]. La pénalité était la même qu’aux époques précédentes. La mort, la mutilation des membres, l’emprisonnement, étaient des peines ordinaires. On voit des hommes du plus haut rang qui sont condamnés à périr par le glaive ou par le gibet. Il était enjoint aux comtes, aux vicomtes et à tous juges royaux d’avoir une prison et une fourche patibulaire. Les tribunaux des comtes prononçaient fréquemment la peine de mort ; toutefois il n’était pas rare qu’on permît au condamné de racheter sa vie par le sacrifice d’une forte somme d’argent.


V. — RAPPORTS DE L’ETAT AVEC L’EGLISE.

On s’est demandé si cette royauté carolingienne, d’allure si fière et si hautaine à l’égard des populations, n’avait pas par une sorte de compensation obéi à l’église. De ce que Charlemagne et Louis le Pieux manifestaient un grand respect pour la croyance chrétienne et pour l’épiscopat, on a parfois conclu que leur politique avait été inspirée et conduite par le clergé ; on a même appelé leur gouvernement le règne des prêtres. Ces généralités sont toujours pleines de péril ; il faut observer le détail des faits.

Au temps de Charlemagne et de Louis le Pieux, comme au temps des empereurs romains, les conciles ecclésiastiques ne pouvaient se réunir qu’avec l’autorisation spéciale du prince ou sur son ordre. Le prince avait le droit de siéger au milieu d’eux. Il n’était pas rare qu’il les présidât et qu’il dirigeât leurs discussions, même quand ils traitaient de questions de doctrine. Pépin le Bref, en 707, tint un synode d’évêques au sujet de la Trinité et des images des saints.

  1. Nous n’avons pas à parler ici de la juridiction ecclésiastique ; elle était déjà très fortement constituée au temps de Charlemagne.