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articles, celui qui devait assurer à l’église la restitution de toutes ses terres. Ces derniers mots, lancés à la fin de ce petit discours, touchaient un sujet scabreux, car il s’agissait là des terres ecclésiastiques que l’empereur lui-même détenait et qu’il distribuait en bénéfice à des laïques pour payer les services rendus. Il y avait une grande hardiesse de la part du prélat à rappeler cette vieille et interminable querelle entre l’épiscopat et tous les Carolingiens sans exception, cette querelle qui, onze ans plus tard, devait être pour beaucoup dans la déposition de Louis le Débonnaire. Aussi l’évêque n’effleure-t-il ce sujet qu’avec les plus grandes précautions : « je supplie votre habileté (c’est le terme dont on se servait pour parler aux ministres) de suggérer à sa magnanimité (c’est le terme qui désignait l’empereur) combien l’église souffre au sujet de ses biens. » On ne pouvait s’exprimer avec plus de ménagement. Je ne sais pourtant si ce langage ne parut pas bien téméraire ; ce qui est certain, c’est qu’aucun des prélats qui étaient présens n’appuya la proposition de l’archevêque. Nulle délibération n’eut lieu. Les ministres « firent une réponse convenable et polie, » et ce fut tout, l’assemblée ayant été immédiatement dissoute. Agobard termine en disant qu’il ne sait même pas si les ministres firent un rapport à l’empereur sur cette affaire. — Voilà le compte-rendu d’une de ces fameuses assemblées des grands : les premiers personnages de l’empire, prélats et laïques, mandés par le prince, se sont réunis ; les ministres leur ont lu au nom de l’empereur un projet de capitulaires ; ils y ont donné leur adhésion, sans nulle discussion, sans aucune espèce de vote, en silence ; on les a invités à présenter leurs observations ; l’un d’eux, timidement, en a fait une ; mais il n’en a été tenu aucun compte, et c’est tout au plus si les ministres ont jugé à propos d’en parler au prince.

Une autre année, le même archevêque de Lyon était venu au plaid, l’esprit préoccupé d’une autre affaire : il souhaitait d’obtenir une loi contre les Juifs. Tant que dura l’assemblée, il ne lui fut pas permis de présenter sa proposition ; c’est seulement après que la clôture eut été prononcée que les ministres lui donnèrent quelque petite satisfaction à cet égard. Voici comment il raconte les faits dans une lettre qu’il écrivit quelques semaines plus tard à ces mêmes ministres : « Lorsque la permission de retourner chez nous nous avait déjà été accordée (c’est la formule de clôture, formule que nous connaissons exactement par plusieurs capitulaires), votre bonté très gracieuse, suspendant un peu le départ de l’assemblée, daigna m’entendre. Ce ne fut pas un discours que je fis ; ce ne furent que quelques paroles discrètes et comme le léger murmure d’une prière. Quand j’eus fini, vous levâtes la séance ; vous sortîtes, et je vous suivis. Vous vous rendîtes dans le cabinet de l’empereur,