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tous s’accordent à n’indiquer qu’une seule cause : ils répètent invariablement que la famille mérovingienne fut mise à l’écart parce qu’elle n’exerçait pas le pouvoir royal avec assez de vigueur. « Le peuple franc, dit l’un d’eux, s’indignant d’avoir trop longtemps supporté des rois qui ne savaient pas régner, éleva Pépin sur le trône. » Un autre annaliste rapporte qu’en l’année 751 la question se posait ainsi : fallait-il conserver des rois sans pouvoir ? Et la seule réponse qui paraît avoir été faite à cette question fut « qu’il valait mieux avoir pour roi celui qui avait la force. » Ce n’est certes pas ainsi qu’aurait pensé une génération d’hommes qui aurait été préoccupée de fonder la liberté politique.

Eginhard, au début de son Histoire de Charlemagne, s’applique à donner la raison de la chute des Mérovingiens. Leur reproche-t-il d’avoir été des rois absolus ou d’avoir adopté les idées romaines ? Il les accuse uniquement de n’avoir eu aucune force, de n’avoir su que s’entourer d’un inutile cérémonial, de n’avoir pas assez gouverné. Il semble donc que les hommes du VIIIe siècle n’aient renversé cette royauté que pour avoir un gouvernement plus fort et mieux obéi. Ils applaudirent à l’usurpation de Pépin parce qu’ils espérèrent que la royauté deviendrait plus puissante. Voilà du moins ce que marquent les documens : il est bien permis de supposer qu’ils ne nous donnent pas la vérité tout entière ; mais tout ce que nous pouvons dire en dehors d’eux n’est qu’hypothèse.

Passons maintenant aux faits ; ils nous montreront deux choses : l’une, que le principal effort de la nouvelle dynastie fut appliqué à relever l’autorité monarchique, que l’ancienne famille avait laissée tomber, — l’autre, que les peuples ne firent aucune opposition à cette politique de leurs rois.

Pépin le Bref commença par se faire sacrer. Or le sacre n’était pas une vaine formalité ; emprunté à l’histoire de la royauté juive, transporté par l’église chrétienne en Occident, il était une espèce d’ordination d’une nature supérieure. Ce caractère est nettement indiqué dans les documens contemporains : « le roi est oint et consacré comme nous lisons dans l’Écriture sainte que Dieu a voulu que les rois fussent oints et consacrés. » Il nous a été conservé l’une des formules qui étaient employées dans la cérémonie ; le prêtre disait au roi en le sacrant : « Sois, dans tes fonctions de roi, oint de la grâce du Saint-Esprit comme l’ont été autrefois les grands-prêtres, les rois, les prophètes et les martyrs. » Cette consécration conférait au roi une vertu et une puissance de l’ordre spirituel ; elle le mettait en un rapport intime avec Dieu et le plaçait au-dessus de l’humanité. C’était un agrandissement considérable de la dignité royale ; on ne voit pourtant pas qu’aucune protestation se soit élevée dans la nation franque. Il y a même quelque apparence que,