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ces denrées qui arrive actuellement dans le commerce n’est que peu de chose, si l’on considère l’immensité de la région propre à la culture. Les noix de Para, que fournit le bertholletia excelsa, l’urucu, principe colorant qu’on tire du Bixa Orellana, l’huile de copahu, constituent aussi, dans l’état de choses présent, un triple article d’exportation qui n’est nullement en rapport avec la source d’où il émane. Les immenses forêts inexplorées de l’intérieur renferment une infinité de noix et de graines oléagineuses, bonnes aux usages les plus variés, de précieuses résines susceptibles de servir à la fabrication de fins vernis, des matières tinctoriales aux nuances les plus brillantes, trente espèces différentes de plantes, dont la fibre s’utiliserait pour la confection de textiles, de balais, brosses, chapeaux, corbeilles, lacets et cordages, et dont l’écorce, d’une blancheur éclatante, pourrait se transformer en un papier excellent, sans compter une quarantaine de plantes officinales qui sont douées des propriétés les plus efficaces. Le jour où la vapeur aura sifflé dans ces parages, l’industrie européenne saura bien s’emparer de ces richesses oisives et les travailler de mille façons. Que de services ne rendent pas déjà, même à l’état brut, diverses lianes connues sous le nom de cipos aux habitans à demi sauvages de ces contrées ! Ni clous ni ferrures ne sont nécessaires à la construction des huttes : boiseries de toute sorte, architraves, chevrons, et jusqu’à l’appareil entier de la toiture, tout se soude et se rive ingénieusement à l’aide de nerveuses plantes grimpantes à peu près grosses comme un crayon ; la même forêt complaisante qui fournit la charpente de la maisonnette tient aussi tout prêts les crampons et les membres d’attache. D’après un récit qui, s’il n’est pas vrai, est du moins bien imaginé, les jésuites, dans les premiers temps qui suivirent la colonisation, auraient adressé au gouvernement portugais la requête insidieuse que voici : « accordez-nous, en récompense de la peine que nous nous donnons pour propager la foi catholique, la propriété de tous les districts où se trouvera le clou usuel du pays. » La concession, prise à la lettre, eût mis tout simplement entre les mains des bons pères le pays entier de l’Atlantique à la Cordillère.

À la hauteur de Crato apparaissent sur la rive gauche du Madeira d’immenses prairies naturelles ou campos, dont le centre n’a pas encore été exploré, et qui s’étendent probablement en-deçà du Pur rus jusqu’à celles de la Bolivie. Là prospèrent en une prodigieuse abondance des grands troupeaux de bêtes à cornes, tels qu’on en élève également dans les vastes estancias des provinces méridionales de l’empire, dans Rio-Grande, Parana, Santa-Catharina et Santo-Paulo. Ce sera un jour une immense ressource pour les