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jeunes qui écrasent les peuples vieux. Deux races sont en présence, l’une vigoureuse et naissant à l’existence, l’autre décrépite et vivant sur sa gloire passée ; il en est une qui doit forcément succomber. Les fatalistes d’outre-Rhin ne se sont pas fait faute d’appliquer à la France et à l’Allemagne cette nouvelle théorie du progrès. Leur cruelle hypothèse méritait d’être discutée sans faiblesse et sans effroi. C’est ce que M. Sédillot, ancien professeur à la faculté de médecine de Strasbourg et membre de l’Institut, vient de faire dans un livre récent sur le Relèvement de la France, ouvrage plein de hautes vérités morales et riche de précieux enseignemens. M. Sédillot examine quelles sont les conditions vitales d’une nation et quelles sont spécialement les ressources de la France ; appliquant au mal les remèdes indiqués par les données positives de la science, il a voulu exposer les moyens de perfectionnement qu’il nous est permis d’employer, et dans lesquels nous devons mettre tout notre espoir. Nous ne pouvons essayer de faire l’analyse d’une œuvre aussi logique et aussi fortement conçue, mais nous étudierons quelques-uns des points les plus importans traités par l’auteur.

Depuis longtemps, les penseurs de toutes les époques ont établi la dualité de l’homme. L’homme est un animal, un être matériel, soumis aux lois physiologiques qui régissent les êtres vivans ; mais c’est aussi une intelligence capable de comprendre et de créer dans une certaine mesure le vrai, le beau et le bien : néanmoins cette union du corps et de l’âme est si intime qu’il est presque impossible de les séparer autrement que par un artifice d’analyse. Fortifier le corps, c’est permettre à l’âme d’être libre et de se développer sans effort. Le génie antique avait depuis longtemps admis ce concours des forces matérielles et des forces intellectuelles. Peut-être la société française tient-elle trop peu de compte du développement corporel de ses enfans. Voyez ce qui se passe en Angleterre, dans les gymnases et les collèges par exemple ; tous les exercices du corps sont mis en pratique avec une ardeur et surtout une persévérance sans égales. Ces exercices délassent l’intelligence et donnent au corps la santé et la vigueur. L’Académie de médecine a tout récemment été consultée par le ministre de l’instruction publique au sujet d’un programme détaillé de gymnastique à mettre en pratique dans les lycées et dans les collèges.

Un point sur lequel M. Sédillot a insisté avec raison, c’est l’influence de l’hérédité : il est certain que le père transmet à ses enfans une partie des avantages qu’il a acquis, je dirais même conquis dans la lutte pour l’existence, et de tous les progrès faits par les individus résultent le progrès collectif et le perfectionnement d’une race. Si quelque chose est aujourd’hui prouvé jusqu’à l’évidence, c’est l’hérédité morbide. La nature semble prendre à tâche de détruire les familles affligées d’un vice originel. Déjà autrefois les Grecs en avaient comme un vague instinct, lorsqu’ils anéantissaient les enfans chétifs et malingres pour ne