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armé, en laissant à la liberté publique ses garanties, au parlement ses prérogatives essentielles. M. Laboulaye ne le cache pas, il y a beaucoup des usages de la monarchie constitutionnelle dans cette organisation républicaine, et ce n’est pas vraiment ce qu’il y a de plus mauvais. On attribue « à la république les garanties de la monarchie constitutionnelle telle que nous l’avons pratiquée pendant plus de trente ans. Cette forme de gouvernement a donné assez de sécurité et de prospérité à la France pour que le pays n’en ait pas gardé un mauvais souvenir… » Sait-on en quoi ces lois sont rassurantes, pourquoi elles peuvent durer, et par conséquent servir sérieusement la république ? C’est précisément parce qu’elles ont ce caractère ; elles ressemblent aussi peu que possible aux anciennes constitutions républicaines qui avaient des prétentions à la logique absolue, qui proclamaient pompeusement des principes primordiaux, antérieurs et supérieurs, sans parler du « droit d’aller et de venir. » Les lois d’aujourd’hui ne proclament rien, elles essaient de donner à la France les moyens de vivre. Elles peuvent être modestes, peut-être un peu décousues, quelquefois assez contradictoires. Au fond, elles sont faites pour un pays placé dans certaines conditions, sous l’empire de certaines circonstances ; elles répondent aux nécessités diverses d’une situation, et, en s’inspirant de toutes les expériences du passé, elles prennent, selon le mot vulgaire, leur bien où elles le trouvent. Elles sont une œuvre de modération et de transaction, et M. Laboulaye a certes raison d’ajouter : « Si parmi les républicains il en est qui trouvent qu’on aurait dû aller plus loin, ils feront bien de considérer que la France, après avoir traversé l’empire, a besoin de reprendre l’habitude d’un gouvernement constitutionnel. Acclimater chez nous la liberté politique est une œuvre délicate, et qui demande beaucoup de ménagemens… » C’est le langage du bon sens, de la politique et du libéralisme prévoyant. C’est l’esprit qui a inspiré la commission dans son travail et qui doit défendre ces lois dans l’assemblée elle-même.

Le jour où la discussion s’ouvrira sur cette loi des pouvoirs publics, sur la loi du sénat, sur la loi électorale elle-même, en un mot sur tous ces complémens de la constitution du 25 février, qu’on se souvienne bien qu’il s’agit moins de disputer sur des nuances, de livrer des batailles sur des détails, que d’imprimer la consistance à une situation politique. On peut différer d’opinion sur telle ou telle attribution du pouvoir, sur la mesure des incompatibilités législatives, sur l’indemnité attribuée aux délégués municipaux chargés de concourir à l’élection du sénat, sur le scrutin de liste ou le scrutin d’arrondissement, il y a un fait certain : tout ce qui fortifiera l’organisation nouvelle, tout ce qui lui donnera le caractère de la régularité et de la fixité, est pour le moment ce qu’il y a de meilleur, et cette considération doit dominer toutes les dissidences secondaires. La vraie question est de créer des institu-