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Les Falaises près de Gênes, de M. Olive, sont d’un ton cru et froid, mais d’une réalité de relief que les stéréoscopes atteignent sans la dépasser. C’est à crier. M. Olive peut se dire que personne ne peindra les falaises près de Gênes avec plus de vérité que lui. Il faut avouer cependant que M. Masure est arrivé dans ses marines à des effets de trompe-l’œil tout à fait surprenans. Le clignotement du regard dont on ne peut se défendre en regardant une mer clapotante, on l’éprouve aussi en face de ses toiles.

Il faut s’arrêter là ; mais que d’autres paysages intéressans et bons a voir, et qu’il est difficile de choisir parmi cette foule, où le talent et le goût sont partout et ne se révèlent nulle part avec une évidente supériorité !


IV

La sculpture est évidemment en meilleure santé que la peinture. On y trouve moins d’individualités éparses et tapageuses, plus d’unité, un nombre plus considérable d’œuvres sérieuses et des tendances plus élevées. La sculpture doit cette bonne fortune à ce qu’elle est un art peu élastique, plus profond que large, où la fantaisie a peu d’espace pour s’agiter. Les individualités les plus indépendantes y sont maintenues par des exigences sévères, que l’on ne peut éluder sous peine de ridicule. Dans ce grand art, dont les principes sont immuables et éternels, on n’escamote pas les difficultés par un trait d’esprit ; il faut en triompher par le travail ou être écrasé par elles. Le sculpteur n’a pas les séductions de la coloration, l’illusion des effets, les jeux de la brosse et les mille mensonges à l’aide desquels le peintre peut éblouir et tromper le public. Il lui est impossible de cacher son ignorance, et il ne peut parler à moins de savoir sa langue et d’avoir quelque chose à dire.

Cette dure et bienfaisante nécessité a maintenu la sculpture dans une sphère plus relevée, et la sauve de l’esprit d’aventure qui souffle un peu partout autour d’elle. Une raison secondaire est aussi la difficulté où sont les sculpteurs de gagner de l’argent. On ne se précipite pas dans cette carrière-là comme dans une mine d’or, la fièvre dans l’esprit et le pistolet au poing. On en connaît trop les rudes épreuves et les amères déceptions. Pour se faire sculpteur, il faut en vérité avoir une certaine dose de désintéressement, de sincérité et de simplicité, ce qui n’empêche pas les tentatives folles et les grosses vanités, mais elles sont en petit nombre, et leur ridicule, qui saute aux yeux d’abord, est plutôt un enseignement qu’un exemple pernicieux.

La statue de M. Chapu, destinée, comme on sait, au tombeau de Henri Regnault, a été jugée l’œuvre capitale de l’exposition. C’est