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realschule la considération du public, il fallait aussi s’occuper des professeurs. On haussa le niveau des examens : le personnel enseignant, qui jusque-là s’était un peu recruté de partout, fut dès lors pris parmi les anciens élèves des universités. Le gouvernement tint la main à ce que les traitemens fussent les mêmes que dans les collèges, et les municipalités accueillirent en général avec empressement cette mesure équitable.

Que devenait pendant ce temps l’enseignement du grec et du latin ? Le gymnase vit cesser peu à peu les attaques qu’on dirigeait contre lui ; profitant de cette paix inespérée, il se voua avec plus de liberté qu’il n’en avait eu depuis longtemps à l’étude des langues et des littératures anciennes. Le nombre de ces établissemens n’a pas cessé d’aller en augmentant. En 1818, la Prusse comptait 91 gymnases et progymnases[1] ; en 1866, elle en avait 154 ; en 1873, 210. Dans cette énumération, nous faisons à dessein abstraction des pays que la Prusse s’est annexés depuis neuf ans. Il est intéressant de rapprocher le nombre total des élèves dans les deux sortes d’établissemens. En 1868, l’enseignement des gymnases et progymnases comptait en Prusse 58,000 élèves, et celui des realschulen et des écoles supérieures qui leur peuvent être assimilées 35,000[2]. Dans le midi de l’Allemagne, la proportion s’élève en faveur de la realschule ; les deux espèces d’écoliers sont en égal nombre dans le Wurtemberg.

Tout récemment la realschule a fait un grand pas de plus : elle a forcé l’accès de l’université. En 1868, de nombreuses pétitions adressées à la chambre des députés de Prusse avaient réclamé pour les élèves diplômés de ces établissemens le droit aux études académiques (on appelle ainsi les études d’enseignement supérieur faites auprès des universités). M. de Mühler, alors ministre de l’instruction publique, prit l’avis des corps savans, et, malgré l’opinion défavorable exprimée par la plupart d’entre eux, il décida par un rescrit du 7 décembre 1870 qu’à l’avenir les élèves diplômés de la realschule pourraient se faire inscrire aux universités comme étudians en mathématiques, en sciences naturelles et en philologie moderne[3]. La conséquence de cette décision, c’est que les élèves des realschulen peuvent arriver aux examens d’état et à la carrière de l’enseignement. Ce succès inattendu et peut-être prématuré a causé une vive agitation qui dure encore.

  1. On appelle progymnases les collèges latins qui n’ont pas une série complète de classes : ils s’arrêtent ordinairement à la classe correspondant à notre troisième ou à notre seconde.
  2. Wiese, Das höhere Schulwesen in Preussen, t. II, p. 536-550.
  3. Il est bon de dire expressément que la médecine est exclue.