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visiter les fabriques des environs ; dans la maison étaient installés des ateliers pour apprendre à tourner, à forger, à polir le verre. Ces nombreuses fondations, encore augmentées dans la suite, finalement entretenues sur les fonds de l’état, ont toutes subsisté jusqu’à ce jour : ce groupe d’édifices, dont quelques-uns sont encore ceux même du XVIIe siècle, où s’assemblent tous les jours plus de 3,000 élèves et de 150 maîtres, et dont la réunion fait presque l’impression d’une ville, est un curieux témoignage de la puissance de l’initiative privée.

C’est également à Halle et dans le même temps que le nom de realschule fut pour la première fois donné à une école. L’inventeur du mot était un collègue de Francke, l’aumônier et pasteur Semler (1669-1740). Il aimait fort les mathématiques et était lui-même un mécanicien habile. En 1706, il fonda à Halle une « realschule mathématique et mécanique, » dans laquelle on instruisait les jeunes gens aux connaissances comprises aujourd’hui sous le nom de technologie. Toute sorte de mécanismes et de modèles étaient mis sous leurs yeux. Le terme même de realschule y fait allusion : il doit former antithèse avec l’enseignement verbal des gymnases.

Nous arrivons à la fondation d’une realschule qui existe encore aujourd’hui après cent vingt-huit ans de durée, et qui servit de pépinière à beaucoup d’autres. Jean-Jules Hecker (1707-1768) est également un théologien. Il connut Francke dans les derniers temps de sa vie et il professa pendant six ans dans ses écoles. Appelé comme aumônier et comme inspecteur des écoles à Berlin, il y créa d’abord, sans le secours de l’état, six écoles primaires, et en 1747 il y adjoignit une realschule, Frédéric II, qui s’intéressa au nouvel enseignement, accorda à l’institution de Hecker toute sorte de privilèges destinés à en accroître les revenus, et lui permit de prendre le nom d’établissement royal. D’après les principes de ses prédécesseurs, il y amassa des objets en nature et des modèles de toute sorte, depuis l’assortiment complet d’une boutique d’épicerie jusqu’à la représentation du déluge et l’image du tabernacle de Moïse, depuis des instrumens aratoires et des métiers de tisserand jusqu’à des reliefs de fortification. Un jardin botanique, une plantation de mûriers, étaient joints à la nouvelle école. L’enseignement ne présentait pas moins de variété : à côté des cours de mathématiques, de physique, d’histoire, de géographie, d’allemand, de français, d’anglais, d’italien, on pouvait suivre des leçons d’économie rurale ou de construction civile et militaire. L’ensemble des cours ressemblait au programme d’une université des arts et métiers. Hecker avait recruté dans la ville tous les hommes capables d’instruire la jeunesse en ces matières : il envoyait des maîtres dans les mines du Harz