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l’attention publique ; mais, ainsi qu’il arrive pour les réformes prématurées, les moyens d’exécution manquèrent. Comenius, après avoir condamné l’usage exclusif des livres, fut à son tour obligé d’enseigner l’histoire naturelle d’après Pline et la mécanique d’après Vitruve. Le latin, malgré tout, restait le commencement et la fin de l’éducation. Cependant le souvenir de Comenius, dont le caractère vénérable et l’existence traversée d’épreuves avaient excité la sympathie de toute l’Europe, demeura longtemps vivant dans les contrées où il avait enseigné.

Trente ans plus tard, un théologien inclinant au mysticisme créa le premier grand établissement où furent mises en pratique les idées de Comenius : nous voulons parler d’Auguste-Hermann Francke (1663-1727), le chef de la secte des piétistes. On voit souvent que le zèle religieux et le talent d’organisation sont réunis dans le même homme : Francke possédait l’un et l’autre à un haut degré. Après une jeunesse tourmentée par le doute, il se sentit un jour, au moment de prêcher, subitement éclairé de la foi, et il résolut d’employer sa vie à l’instruction et à l’édification de ses semblables. Appelé à Halle comme pasteur en même temps que comme professeur de grec et des langues orientales, il y créa, dans l’espace de trente ans, avec le seul secours de la charité, le plus vaste ensemble d’écoles de toute sorte qui existe au monde. En 1695, trouvant un jour 7 florins dans le tronc des pauvres fixé près de sa porte : « Voici un honnête capital, dit-il. Avec cela, je veux fonder quelque chose. » Le même jour, il commença une école pour les indigens. Peu de semaines après, comme on lui amenait trois enfans de familles aisées, il joignit à son école un pensionnat. Vinrent ensuite un séminaire pour les instituteurs, une école bourgeoise supérieure, un orphelinat, une école latine, un collège oriental, un établissement pour les missions dans l’Inde, une société biblique, sans parler d’une librairie et d’une pharmacie alors fort renommées. Pour loger tant d’institutions diverses, il élevait d’importantes constructions. Les dons affluaient entre ses mains à mesure qu’il multipliait ses fondations. En 1698, il réunissait dans ses diverses écoles 400 élèves et 60 maîtres ; l’année de sa mort, le nombre des élèves s’élevait à 2,200, celui-des maîtres à 175.

Dans les écoles de Francke, on ne se contentait pas d’étudier les langues anciennes, il y avait des cours de mathématiques, d’astronomie, d’anatomie, de botanique ; un cabinet d’histoire naturelle, chose toute nouvelle alors, avait été formé. Des leçons spéciales étaient données aux jeunes gens qui ne voulaient pas continuer les études savantes, mais qui étaient dans l’intention de se vouer au commerce, à l’économie agricole, aux arts utiles. On leur faisait