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que sur d’exactes et précises notions. C’est une œuvre spéciale de cette nature, accomplie dans une vue d’intérêt pratique et défini, qu’on se propose ici d’étudier.


I

On sait que le grand système fluvial du Brésil est formé par l’Amazone et ses affluens. L’Amazone est parfaitement navigable ; il n’en est pas de même du Madeira par exemple, dont le cours présente de nombreux accidens et des obstacles infranchissables à la descente comme à la montée. Ce dernier fleuve a cependant une importance capitale : il est la voie la plus naturelle et la plus courte pour faire communiquer, au moyen du port brésilien de Para, le Bas-Pérou et la Bolivie avec l’Amérique du Nord Qu’Europe. Aussi, dès la fin du siècle dernier, le gouvernement portugais avait-il envoyé sur le Madeira des astronomes et des géomètres avec mission de dresser la topographie de cette immense vallée latérale. Pour une raison ou pour une autre, cette exploration n’eut point l’effet qu’on en attendait. Quelques autres voyages d’étude, entrepris après la proclamation de l’indépendance, demeurèrent aussi non avenus par l’insuffisance des levées de plans et des détails hydrographiques. Plus récemment, la guerre contre le Paraguay une fois terminée, la question fut reprise par le gouvernement de Rio-de-Janeiro, qui conclut avec la Bolivie un traité de commerce et de délimitation de frontières, où était mentionnée l’ouverture d’un chemin de communication par là vallée du Madeira. L’établissement d’un premier service tel quel de bateaux à vapeur sur le cours inférieur du même fleuve et la mesure qui avait ouvert la libre navigation de l’Amazone aux navires de toute nationalité contribuèrent encore à fixer l’attention sur cette partie écartée de l’empire brésilien. On reconnut dès lors la nécessité d’une nouvelle exploration scientifique du Madeira, et en juin 1867 M. l’ingénieur Franz Keller-Leuzinger fut chargé officiellement par le ministre des travaux publics du Brésil de remonter cette magnifique rivière, encore mal connue, et de faire sur les rives toutes les études préparatoires pour l’amélioration des passes difficiles ou l’établissement d’un chemin de fer.

On peut dire que la civilisation d’une contrée est en raison du nombre et de l’état de ses voies de communication. À ce point de vue, le Brésil a devant lui un long avenir de labeurs. Il n’existe point encore, dans l’intérieur de ce pays, de routes régulières et carrossables ; aujourd’hui comme il y a trois cents ans, la bête de somme ou le grinçant charriot à bœufs, avec ses classiques roues