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REVUE DES DEUX MONDES.

confié une copie de son journal de voyage à M. Stanley, le reporter américain qui avait réussi à le retrouver au cœur de la contrée sauvage où il se trouvait retenu, privé de tout et épuisé par la maladie et les fatigues. M. Stanley avait rapporté en Angleterre les papiers adressés par Livingstone à sa fille, et Livingstone, muni de porteurs et de provisions, était immédiatement reparti pour son dernier voyage à la recherche des quatre sources situées à l’ouest du lac Bangweolo, dont lui avaient parlé les indigènes. Ces quatre sources, lui disait-on, donnaient naissance à quatre rivières, dont deux coulaient du sud au nord et formaient par leur réunion le fleuve Loualaba. C’est pendant cette ascension que ses forces le trahirent. Le 21 avril 1873, il dut quitter son âne et se faire porter sur une litière ; le 25, il se coucha pour ne plus se relever. Le matin du 1er mai, ses fidèles serviteurs le trouvèrent mort, à genoux à côté de son lit, la tête enfoncée dans l’oreiller.

Les Africains ont horreur de la mort, et ne consentent pas facilement à porter un cadavre en terre. C’est donc une marque d’attachement héroïque que donnèrent à Livingstone ses pauvres serviteurs noirs en portant son corps quelques centaines de lieues, jusqu’à la côte. Ils rapportèrent en même temps tous ses bagages et tous ses papiers ; tout cela a été sauvé et envoyé en Angleterre.

Un ami intime de Livingstone, le révérend Horace Waller, qui connaît le pays par un long séjour qu’il y a fait avec une mission anglaise, a été chargé de publier le dernier journal de l’illustre voyageur, et cette relation minutieuse et détaillée, accompagnée de cartes et de gravures composées d’après les esquisses originales de Livingstone, a paru en deux volumes. C’est ainsi que se trouve complétée l’œuvre de l’infatigable explorateur qui a succombé sur la brèche, après avoir révélé à l’Europe de vastes contrées que jamais avant lui n’a ait foulées le pied d’un homme civilisé. L’avenir nous réserve sans doute des informations plus précises qui viendront rectifier quelques erreurs et éclairer bien des points qu’il a dû laisser obscurs ; mais ses livres resteront, et son nom sera cité par la postérité reconnaissante à côté de celui de Mungo Park, comme celui d’un des plus intrépides pionniers de la science géographique.



Le directeur-gérant, C. BULOZ.