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raison publique, laissant aux grandes puissances le temps de reconnaître leurs intérêts, et au bout de tout elle s’est retrouvée d’accord avec les politiques prévoyantes de l’Europe, qui ne sauraient rester indifférentes devant de nouveaux déchaînemens de la force menaçans pour tout le monde. La paix est donc assurée, la Russie l’a dit, l’Angleterre l’a confirmé, l’Allemagne jure qu’elle n’a jamais eu d’intentions hostiles, et, dans cette crise heureusement dénouée ou tempérée, la France peut du moins trouver un avantage, un profitable enseignement : elle doit sentir par tout ce qui arrive le prix de la vigilance, le danger du temps perdu et des incohérences intérieures, la nécessité d’une organisation fixe, complètement régularisée, sur laquelle puisse s’appuyer une action diplomatique assez forte pour sauvegarder dans toutes les circonstances nos intérêts d’indépendance, de dignité et d’avenir.

Cette nécessité d’achever une organisation publique déjà ébauchée en principe, c’est là précisément la question qui s’agite aujourd’hui à Versailles, et c’est autour de cette question que les partis retrouvent l’âpreté de leurs passions, de leurs ressentimens, comme s’ils oubliaient tout, même ces complications extérieures qui viennent de se dérouler sous leurs yeux, comme s’ils n’avaient d’autre préoccupation que de rendre tout impossible. Quelle est cependant la vérité des choses ? Une constitution a été votée le 25 février, cela n’est point douteux. Dans cette assemblée épuisée de luttes, de divisions, de compétitions impuissantes, une majorité a fini par se rencontrer pour sanctionner sous le nom de la république des institutions nouvelles. Dès lors la république existait, non plus seulement comme un fait toléré, mais comme un régime légalement établi dans des conditions déterminées. De cette situation est sorti un ministère qui avait la double mission de représenter au pouvoir la pensée de conciliation autour de laquelle s’étaient ralliées les diverses portions de la majorité du 25 février et de préparer les lois destinées à compléter l’organisation nouvelle qui venait d’être adoptée, qui avait toute la force d’un acte de souveraineté nationale, d’autorité constituante. Le ministère a eu depuis deux mois sa politique qui peut être discutée ; dans tous les cas, il a pris certainement au sérieux la partie essentielle de sa mission, et, dès que l’assemblée, après les vacances de printemps, s’est réunie de nouveau aux premiers jours de mai, il lui a soumis divers projets, l’un définissant les rapports et les attributions des pouvoirs publics, l’autre fixant les conditions pratiques de l’élection du sénat. La loi électorale pour la chambre des députés n’avait plus à être présentée, puisqu’elle a déjà subi l’épreuve d’une première lecture. Au premier abord, tout cela semble assez simple, et la route paraît toute tracée. Il est clair que l’assemblée, après avoir épuisé son droit souverain par le vote d’une constitution, n’avait plus désormais qu’une existence nécessairement limitée, et on pouvait croire qu’elle reviendrait à