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excommuniaient l’église et l’état montre quel progrès s’est accompli dans l’intérieur du schisme. Quelle déception pour les étrangers qui y voyaient le principe d’une dislocation de l’empire, et quel scandale pour les fanatiques ! Il en restait en effet à Rogojski, et les popovtsy se trouvent de nouveau divisés en deux partis, presqu’en deux sectes, les défenseurs et les adversaires de la circulaire, les okroujniki et les razdorniki[1]. Tandis que les plus éclairés des starovères montraient cette largeur de vues, un parti nombreux reprenait les plus étroites notions du schisme, et ressuscitait les plus ignorantes querelles sur le nom de Jésus. Les adversaires de la libérale circulaire soutenaient que le Christ Iissous des orthodoxes ne pouvait être le même dieu que le Christ Issous des vieux-croyans, et que le premier n’était que l’antechrist. Un nouveau concile convoqué à la Blanche-Fontaine en 1868 n’a fait qu’envenimer ces discussions, compromettre l’autorité du métropolite et détacher du schisme quelques-uns de ses plus notables partisans.

Telles étaient cependant les avances des promoteurs de la circulaire et de la portion la plus influente de la popovstchine qu’il semblait ne plus rester qu’à dresser l’acte de réconciliation des starovères et des orthodoxes. En dépit des ouvertures libérales des chefs du schisme, en dépit de la condescendance du saint-synode, les clauses d’un traité de paix définitif restent difficiles à stipuler. Chaque partie garde ses prétentions. Les vieux-croyans veulent rentrer dans l’église par la grande porte et enseignes déployées, ils réclament la réhabilitation des anciens rites avec le concours des patriarches orientaux, ils demandent la convocation d’un concile œcuménique orthodoxe, disant que, solennellement condamnés par un concile, les vieux rites doivent être absous par un concile. Le saint-synode n’ouvre aux starovères qu’une porte de côté ; sous les termes de pacification, de réconciliation, c’est une soumission, une abdication, que l’église russe, comme toute, église dominante, offre à ses dissidens.

Dès la fin du XVIIIe siècle, sous l’impulsion prévoyante de Catherine II, le gouvernement et le clergé russe avaient essayé d’aplanir pour les raskolniks le chemin du retour à l’église. Il semblait que des concessions sur les rites, que l’autorisation de conserver les anciens livres et les anciennes cérémonies dussent suffire à ramener des hommes qui ne s’étaient révoltés que pour ne point changer les formes du culte. Après plus d’un siècle de résistance, l’autorité ecclésiastique permit aux vieux-croyans de conserver le rituel en

  1. Voyez, sur toutes ces luttes, N. Popof, Okroujnoé Poslanié Popovstchiny, et surtout N. Soubbotine, Sovrémennyia Létopisi raskola, Posledstviia Bélokrinitskago Sobora 1868 Goda, Moscou 1869.