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déjà figuré à son ordre du jour et qui en a été momentanément retiré, mérite un accueil qui, nous voulons le croire, ne lui fera pas défaut. N’oublions pas qu’on a fait aux campagnes beaucoup de promesses. A diverses époques, les pouvoirs publics, les assemblées se sont occupées d’elles avec un bon vouloir manifesté un peu bruyamment. Qu’ont produit toutes ces belles paroles ? Qu’est-il sorti de la grande enquête agricole de 1868, qui devait ouvrir pour les campagnes une ère nouvelle ? Certes nous ne méconnaissons pas les difficultés de l’heure présente ; nous savons que la guerre de 1870, et ses conséquences inéluctables ont retardé bien des progrès, ont empêché d’éclore bien des réformes couvées depuis longtemps et dont l’apparition semblait proche ; mais il appartient au législateur de faire un choix parmi elles, et, s’il ne peut les accomplir toutes, de s’attacher du moins aux plus urgentes, aux plus fécondes. Aucune ne paraît à ce titre plus recommandable que celle qui a pour but d’organiser l’assistance publique et surtout l’assistance médicale dans les campagnes.

Qu’on nous permette de dire toute notre pensée. Une grande commission de l’assemblée nationale a poursuivi avec une remarquable persévérance la réforme des établissemens pénitentiaires ; elle a proposé un projet de loi qui paraît devoir être voté et qui entraînera pour les départemens et pour l’état des charges très sensibles. Et cependant il s’agit d’une réforme après tout contestable, destinée à adoucir le sort d’une fraction peu intéressante de la société, et dont la société elle-même peut ne retirer aucun profit. Comment pourrait-on après cela hésiter à inscrire dans la loi les dispositions indispensables pour atténuer la misère, pour assurer la santé de ces classes agricoles qui sont les forces vives du pays ? Aujourd’hui que la population diminue, que les registres de l’état civil accusent presque partout un excédant des décès sur les naissances, n’est-il pas plus nécessaire que jamais d’introduire l’hygiène au village et d’y diminuer la mortalité par une assistance à domicile sérieusement organisée ? Il serait digne de l’assemblée nationale, qui a tant fait pour le relèvement du pays, de compléter son œuvre, et de ne pas se séparer avant d’avoir voté une loi d’avenir et d’intérêt social bien entendu, qui serait en même temps pour nos campagnes un acte de justice et de reconnaissance.


ARSENE VACHEROT.