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en confisquant les biens du clergé au profit de la nation, de tarir les sources les plus abondantes de la charité. Certes de grands abus s’étaient produits dans l’emploi de ces richesses, souvent détournées de leur destination, puisque nous voyons les parlemens, ces grands redresseurs de torts sous l’ancien régime, rappeler les évêques au sentiment de leurs devoirs[1] ; mais, pour avoir voulu éviter un écueil, on allait tomber dans un autre. Sous l’empire de sentimens généreux, mais irréfléchis, les hommes qui rédigent la fameuse déclaration des droits de l’homme proclament le droit à l’assistance pour tous les indigens. Un article de la constitution de 1791 décrète la création « d’un établissement général de secours publics pour élever les enfans abandonnés, soulager les pauvres infirmes et fournir du travail aux indigens valides qui n’auront pas pu s’en procurer. » Cet article demeure lettre morte. L’assemblée législative ne prend aucune mesure pour l’exécuter, et se borne à de nouvelles et malheureusement toujours stériles déclarations de principes.

La convention, qui lui succède, formule dans son décret du 19 mars 1793 un système complet d’assistance publique. Tous les ans une somme largement évaluée sera distribuée à chaque département pour être employée au soulagement des pauvres. Des agences cantonales répartiront les secours proportionnellement au nombre des indigens inscrits sur les registres de la bienfaisance publique. Des hospices seront établis avec le concours obligé des communes. Des ateliers de travail s’ouvriront pour les indigens valides, des maisons de répression pour les mendians récidivistes. Enfin, quand ce service sera organisé, toute aumône aux pauvres sera interdite dans les rues et remplacée par des souscriptions volontaires à la caisse de secours du canton. Des décrets ultérieurs viennent compléter cette loi organique. Bientôt les secours sont tarifés par catégories d’indigens ; les enfans reçoivent 80 livres de pension annuelle ; les mères de famille et les vieillards, 120 livres, plus tard jusqu’à 160 livres. — Le trésor national n’était guère en état, comme on le pense bien, de supporter une aussi lourde charge ; le système d’assistance de la convention ne fut jamais appliqué sérieusement : bientôt il tomba tout à fait, non sans avoir éveillé dans le cœur des pauvres de chimériques espérances. Il fallut revenir à des idées plus pratiques et à des visées, hélas ! beaucoup plus modestes. Le décret du 19 mars 1793 fut rapporté et remplacé

  1. Dans un arrêt célèbre du 18 avril 1651, le parlement de Toulouse ordonnait « que dans les trois jours les évêques du ressort pourvoiraient à la nourriture des pauvres, passé lesquels il permettrait la saisie du sixième de tous les fruits que ces évêques perceraient dans les paroisses dudit ressort. »