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jours, le condamne au pilori en cas de récidive, et la troisième fois le fait marquer au front d’un fer chaud et le bannit. Bientôt les parlemens eux-mêmes interviennent. Nous voyons qu’un arrêt du parlement de Paris, rendu en 1587, enjoint aux mendians qui ne sont pas originaires de cette ville de se retirer au lieu de leur naissance, sous peine du fouet. Sous Louis XIII en 1629, sous Louis XIV en 1661, nouvelles ordonnances, nouveaux édits : le mendiant valide est encore frappé de l’emprisonnement, du fouet et même des galères après récidive. — Mais que servait-il de multiplier les textes et d’augmenter les pénalités sans mesure et sans justice ? A une époque où les guerres continuelles, les disettes fréquentes, sans parler du brigandage, ruinaient tant de malheureux et jetaient sur les chemins tant de gens sans asile, il était plus facile d’interdire la mendicité que de la supprimer.

La sollicitude des souverains ne s’en tint pas à ces moyens d’assistance ou de répression. On les voit soucieux de préserver les pauvres de la tyrannie des puissans et de leur assurer une protection au milieu de cette société du moyen âge, qui ne connaissait guère d’autre droit que le droit de la force. Déjà les capitulaires ordonnaient aux comtes de protéger les faibles, et de leur donner audience de préférence à tous les autres. Ces principes charitables, souvent rappelés dans les instructions royales, trouvent leur expression la plus haute dans les ordonnances de Charles V, qui enjoignent aux avocats et aux procureurs de donner gratuitement leurs conseils aux plaideurs pauvres, et obligent les chirurgiens de Paris à panser les malades indigens, qui n’ont pu être admis dans les hôpitaux. Le sort des enfans pauvres, leur instruction, leur mise en apprentissage, font aussi l’objet de plusieurs textes, où éclate une noble préoccupation de ces classes déshéritées, qui comptent plus qu’on ne pense parmi les forces vives du pays.

On voit que la législation charitable sous l’ancien régime n’a pour ainsi dire laissé de côté aucun des grands services qui composent aujourd’hui ce que nous entendons par assistance publique. Les bureaux de bienfaisance, les hôpitaux, les secours et le traitement gratuit des malades à domicile, l’assistance judiciaire ; les travaux de secours, les dépôts de mendicité, les enfans assistés, existaient en germe, non-seulement dans les ordonnances de nos rois, mais dans la réalité des faits, lorsqu’éclata la révolution de 1789. Sous l’influence du grand courant réformateur qui se produisit à cette époque et qui voulut comprendre toutes les institutions dans une sorte de rénovation sociale, l’assemblée constituante essaya de jeter les bases d’une vaste organisation de l’assistance publique. Elle y était d’autant plus obligée qu’elle venait, en supprimant la dîme,