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cependant la charge de secourir les indigens incombe tout entière au clergé dans les campagnes, en même temps que dans les villes les municipalités commencent à établir une sorte d’assistance publique. François Ier crée à Paris en 1544 le bureau général des pauvres, tandis que par son ordonnance de 1536 il réglementait les devoirs et les obligations des paroisses à l’égard de leurs indigens. Ce dernier texte est des plus explicites ; il établit tout un système d’assistance. Dans chaque paroisse, les curés, vicaires ou marguilliers devront dresser les rôles des indigens ; ceux-ci seront secourus à domicile, ils y recevront l’aumône raisonnable, provenant des quêtes faites chaque jour dans les églises et dans les maisons particulières. Des boîtes et troncs seront établis dans chaque édifice consacré au culte et recommandés par les curés dans leurs prônes et les prédicateurs dans leurs sermons. Les abbayes, prieurés, chapitres et collèges, qui sont tenus de fondation à faire des aumônes publiques, devront fournir en deniers à la paroisse d’où ils dépendent la valeur représentative de ces aumônes.

La célèbre ordonnance de Moulins, œuvre du grand chancelier L’Hospital, confirme cette législation en la précisant encore. C’est le texte le plus complet en cette matière que la vieille France nous ait transmis. Le principe de l’obligation communale y est aussi nettement posé que dans l’acte émané du concile de Tours[1]. Un siècle plus tard, l’organisation de l’assistance publique faisait un pas décisif par la création des bureaux des pauvres ou de charité, embryons des futurs bureaux de bienfaisance. Cette institution, établie par la déclaration royale de 1664, subsista jusqu’à la révolution. Les bureaux des pauvres fonctionnaient alors dans toutes les villes et dans la plupart des paroisses des campagnes.

En même temps que les rois de France rendaient des édits et créaient des institutions pour le soulagement des pauvres, ils prenaient des mesures énergiques et souvent cruelles pour faire cesser la mendicité. Charlemagne, par le même capitulaire de 807 que nous avons déjà cité, défend de faire l’aumône aux mendians valides qui ne travaillent pas. Saint Louis punit le mendiant fainéant du bannissement. Jean II lui inflige un emprisonnement de quatre

  1. « Les pauvres de chaque ville, bourg et village, dit l’article 73 de cet important document, seront nourris par ceux de la ville, bourg ou village dont ils sont natifs et habitans, sans qu’ils puissent vaquer et demander l’aumône ailleurs qu’au lieu duquel ils sont. Et à ces fins seront les habitans tenus à contribuer à la nourriture desdits pauvres, selon leurs facultés, à la diligence des maires, échevins, consuls et marguilliers des paroisses : lesquels pauvres seront tenus de prendre bulletin et certification des dessus dits, en cas que pour guérison de leurs maladies ils fussent contraints venir aux villes et bourgades où il y a hostels-Dieu et maladreries à ce destinés. »