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imperméable elle se montre plus loin sous forme de source ; elle n’occasionne donc pas de crue subite. Nous ne nions point que les choses ne se passent ainsi, nous ferons seulement observer qu’il y a des degrés dans la perméabilité ou l’imperméabilité des terrains, et que les forêts en augmentant la première diminuent par cela même les chances de crue. M. Belgrand d’ailleurs a reconnu que, de tout le bassin de la Seine, c’est dans la région du Morvan qu’il pleut davantage ; or c’est précisément la région la plus boisée, et qui, grâce à ses forêts, forme une espèce de réservoir naturel d’alimentation. M. Belgrand, il est vrai, affirme que, d’après ses expériences, les crues qui se produisent dans les torrens de cette région se comportent de la même façon et mettent le même temps à se produire, soit que ces torrens proviennent de versans boisés, soit qu’ils proviennent de versans déboisés ; mais il reconnaît que les forêts empêchent le ravinement des terres. Ce fait seul a une grande importance, et suffirait pour montrer combien les forêts sont précieuses pour régulariser le régime des fleuves. Quand les rivières descendent des régions boisées et par conséquent à l’abri du ravinement, le lit est régulier et n’est pas encombré de matériaux de transport. S’il survient de grandes pluies, la rivière déborde, les eaux couvrent la plaine, détruisent quelques récoltes, mais les pertes se réparent aisément, une fois que les eaux se sont retirées. Les rivières, comme la Loire et l’Allier, qui viennent des montagnes granitiques déboisées depuis longtemps, ne se comportent pas de même. A chaque crue, elles entraînent des masses énormes de sable et de galets qu’elles répandent sur les champs cultivés. Le lit de ces rivières, encombré de débris, n’a pas de profondeur, le thalweg se déplace à chaque crue, emportant les terres qu’on croyait à l’abri, et rendant toute navigation régulière impossible.

M. Belgrand pense que, si les forêts facilitent l’infiltration de l’eau dans le sol, elles ne peuvent avoir d’action réelle que sur les sources superficielles et non sur les sources profondes, qui seules ne tarissent jamais. L’eau en effet, en pénétrant dans le sol, s’arrête à la première couche imperméable qu’elle rencontre, et, si elle vient à reparaître à la surface, c’est sur le versant des vallées. Dans les années de sécheresse, ces sources tarissent, à commencer par celles qui se trouvent au niveau le plus élevé, puisque ce sont celles qui sont le plus exposées aux influences atmosphériques. Les sources profondes au contraire sortent des couches inférieures et jaillissent sur les points où, ces couches venant à être interrompues, la nappe d’eau qu’elles contiennent trouve une issue au dehors ; elles proviennent des infiltrations qui se sont produites sur les points où ces couches affleurent, et sont en quelque sorte l’orifice d’un véritable