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dès lors être considérés comme dépendant d’une loi générale. En forêt, la température moyenne est toujours plus basse qu’en terrain dénudé, mais la différence est moins sensible en hiver qu’en été ; les températures maxima sont toujours plus basses, et les températures minima plus élevées. En forêt, le refroidissement et réchauffement se produisent avec plus de lenteur, la température y est plus égale du jour à la nuit, d’un jour à l’autre, de saison à saison ; les chaleurs et les froids subits, s’ils n’ont pas de durée, ne s’y font pas sentir, — d’où l’on peut conclure que, si les forêts tendent à abaisser la température générale d’un pays, par contre elles en diminuent les écarts et en éloignent les météores dangereux.

Par cela seul que la température y est plus basse, il doit pleuvoir davantage sur un sol boisé que sur un sol nu. L’expérience confirma encore ce raisonnement. M. Mathieu, en comparant la quantité de pluie tombée dans les différentes stations, a pu formuler la conclusion suivante. La quantité de pluie qui tombe dans une région boisée est de 6 pour 100 supérieure à celle qui tombe dans une région dénudée, le couvert de la forêt retient environ un dixième de cette eau ; mais, comme l’évaporation est cinq fois moins considérable sous bois que hors bois, le sol de la forêt conserve encore sa fraîcheur après que les terres labourées sont depuis longtemps desséchées.

M. Fautrat a donné à ses expériences plus de précision encore. Craignant qu’on ne pût contester les résultats obtenus par M. Mathieu à cause de l’éloignement des stations d’observation, il a établi les siennes à peu près sur le même point, à Fleurines, village situé au milieu de la forêt d’Halatte. Afin de connaître exactement la quantité de pluie tombée, il a placé l’un de ses pluviomètres à 7 mètres au-dessus d’un massif de la forêt, et l’autre en plaine, à la même hauteur, à 200 mètres seulement du premier. Il a constaté que, pendant les huit mois qu’ont duré les expériences, il était tombé dans le premier 300 mm d’eau, tandis que le second n’en avait reçu que 275mm, soit une différence en faveur de la forêt de 25mm, ou de 8 pour 100. Le psychromètre indiquait également que le degré de saturation de l’air au-dessus du bois était plus grand qu’en terrain découvert, de 63 degrés au lieu de 61 degrés. Ces résultats sont extrêmement frappans, car, si ton constate une différence aussi sensible entre deux stations aussi voisines, on peut se figurer combien cette différence doit être plus grande quand il s’agit de points assez distans pour que l’action de la forêt ne se fasse plus sentir sur les plus éloignés.

C’est précisément ce que M. Cantégril, inspecteur des forêts à Carcassonne, a montré de son côté en répartissant des pluviomètres sur divers points du département, les uns en forêt ou en région