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de la nouvelle et au moment de la pleine lune, c’est-à-dire aux syzygies. Si elle coupe cet anneau au-dessus d’un continent où l’atmosphère renferme peu d’humidité, elle entraîne avec elle vers le nord un courant d’air sec qui amène le beau temps ; si au contraire elle coupe l’anneau au-dessus d’un océan, l’air humide entraîné vers nos régions y occasionne de la pluie. Ce n’est pas au moment même des syzygies que cet effet se fait sentir en Europe, on le constate trois ou quatre jours après, c’est-à-dire après le laps de temps nécessaire au courant d’air pour arriver jusqu’à nous ; c’est ce qui explique la règle d’après laquelle le maréchal Bugeaud opérait ses mouvemens militaires, et qui consiste à considérer le temps qu’il fait les cinquième et sixième jours de la lune comme celui qu’il fera pendant la lune entière[1]. L’effet des marées lunaires varie du reste beaucoup suivant la topographie des lieux sur lesquels elles se produisent, et ce n’est que par des observations multipliées qu’on pourra être fixé d’une manière certaine sur cette question encore controversée.

Une autre cause de perturbation atmosphérique, ce sont les bourrasques. M. Le Verrier, ayant eu l’idée de centraliser les observations faites non-seulement par les comités des départemens, mais par tous les observatoires de l’Europe, a pu indiquer sur une carte muette, par des signes conventionnels, l’état de l’atmosphère tous les jours à huit heures du matin. M. Marié-Davy, qui était chargé de ce service, imagina de réunir par des courbes tous les points d’égale pression barométrique ; il constata que ces courbes étaient concentriques autour du point où la pression était la plus faible, que celle-ci s’élevait à mesure qu’on s’éloignait de ce point, et que les vents soufflaient toujours circulairement dans un sens opposé à la marche des aiguilles d’une montre, autour du centre de dépression, qui lui-même restait calme. Comme ces phénomènes se reproduisaient constamment de la même manière, mais sur des points différens, il en conclut qu’on se trouvait en présence de tourbillons atmosphériques ou bourrasques qui se déplaçaient avec une vitesse de 10 à 15 lieues à l’heure, et marchaient tous dans la direction de l’est. Les bourrasques, qui semblent être les remous que le grand fleuve aérien engendre le long des rives mobiles entre lesquelles il coule, se forment dans les régions équatoriales, remontent vers le nord en suivant le littoral de l’Amérique, abordent l’Europe à la hauteur de l’Islande, de la Suède et même de la France, et vont se perdre ensuite dans l’extrême Orient après avoir traversé l’Europe : elles se succèdent d’ailleurs à des intervalles assez rapprochés ; mais, aussitôt qu’elles apparaissent, la présence en est

  1. Prima, secunda, tertia nulla, quarto aliquis, quinta, seœta qualis, tota luna talis.