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dans l’ethnologie américaine, qui en a déjà tant à résoudre. Les savans des États-Unis appellent, faute de mieux, les aborigènes qui, à une époque encore inconnue, peuplèrent le centre de l’Amérique du Nord et qui, comparés aux indigènes venus après eux, semblent semi-civilisés, les mound-builders ou bâtisseurs de tumulus. Ceux-ci seraient non-seulement les mêmes qui auraient exploité les mines de cuivre du Lac-Supérieur, mais encore strié d’hiéroglyphes les granits en place de la Californie et de l’Arizona, laissé partout des débris, des amas de poteries, de silex éclatés ou taillés, d’ossemens d’animaux incinérés, de coquilles comestibles amoncelées, enfin de meules portatives en porphyre, usées par le rouleau et destinées à broyer le maïs. Qui sait si les Atlantides dont parlait Platon sur la foi des prêtres égyptiens ne seraient pas ces mêmes aborigènes ?

Une plus longue dissertation sur ces points ténébreux de l’histoire primitive américaine est ici hors de propos. Il faut revenir en arrière, non pour saluer une race mystérieuse, les premiers habitans d’un continent assurément plus ancien que l’Europe, mais pour résumer ce qui a été dit. Nous avons constaté une fois de plus que le progrès matériel existe partout aux États-Unis : autour des grands lacs, au nord-ouest comme dans l’extrême ouest et le sud de l’Union. Partout on défriche, on exploite le sol et le sous-sol, partout on plante et l’on cultive. Autour des grands lacs, c’est une nature vierge et fertile qui s’ouvre, et deux colonisations rivales, bien qu’à peu près semblables, y sont aux prises : la colonisation américaine sur la rive méridionale des lacs et tout autour du lac Michigan, la colonisation anglo-canadienne sur la rive septentrionale. Un jour, ces deux colonisations n’en feront sans doute qu’une seule, et le drapeau étoile de l’Union flottera des glaces du pôle au golfe mexicain, peut-être même jusqu’à l’isthme de Panama. En attendant, il faut bien faire une halte au milieu des agrandissemens prodigieux que les États-Unis ont eus depuis trente ans. C’est vers l’époque où ils achetaient aux Indiens chippeways la presqu’île de Keweenaw qu’ils convoitaient déjà la Californie. C’est assez d’extension pour à présent ; leurs hommes d’état les plus avides le pensent eux-mêmes. Il faut coloniser, peupler, bâtir, vivifier tout cet immense espace, et aucune localité ne parait plus propice à recevoir de nouveaux essaims de travailleurs que la presqu’île féconde de Keweenaw et les bords prospères du Lac-Supérieur. C’est à cette partie du Michigan que semble surtout s’appliquer l’heureuse devise de cet état : Si quœris peninsulam amœnam, circumspice ; — « si tu cherches une péninsule gracieuse, la voici ! »


L. SIMONIN.