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cause de l’amoncellement des neiges. Le traîneau n’est pas le seul moyen de locomotion ; on a aussi la raquette, semblable à celle qui lance le volant, un jeu emprunté aux Peaux-Rouges. La raquette qui sert à marcher sur la neige est seulement beaucoup plus large et d’une forme ovale très allongée. On y appuie le pied comme sur une sandale, non sans avoir auparavant chaussé une paire de mocassins en peau souple. On conçoit qu’avec la raquette, le poids du corps étant réparti sur une surface beaucoup plus grande, on a une bien moindre tendance à enfoncer. Armé de cet appareil, on court sur la neige par mouvemens alternatifs, à peu près comme dans l’exercice ordinaire du patineur sur la glace, moins vite sans doute, car on ne glisse pas, et l’on a une résistance à vaincre, puisque la raquette pénètre toujours d’un centimètre ou deux dans la neige plus ou moins congelée. Cet ingénieux appareil a été bien vite adopté par les blancs. Il n’est pas rare d’en rencontrer au moins une paire dans toute maison du lac. L’Indien qui le premier a inventé la sandale à courir sur la neige, comme celui qui trouva le canot d’écorce de bouleau pour franchir les rapides, étaient l’un et l’autre des hommes de génie. Ce sont peut-être les deux seuls que la grande nation algonquine ait produits en dehors de ses guerriers et de ses orateurs.

Avant que les chemins de fer eussent rejoint le Lac-Supérieur, c’est par le moyen des raquettes que des Indiens fidèles portaient les dépêches de la poste l’hiver. Ils allaient chargés de leurs sacs et couraient sur la neige. Si une tourmente survenait, s’ils se trouvaient trop embarrassés en route, ils laissaient une partie de leur charge au pied d’un arbre, et revenaient la prendre plus tard ; les passans n’avaient garde d’y toucher ; une régularité, une exactitude extrême, n’étaient pas de rigueur. Ces coureurs de la poste indienne sont comme les frères des fameux messagers persans, qui remontent au temps de Darius. Ceux-ci portent de même leurs sacs de dépêches en courant, et lorsqu’ils s’endorment en chemin, harassés de fatigue, ils ont soin d’allumer une cordelette de chanvre, la passent autour de leur doigt de pied pour être réveillés à l’heure et reprendre bien vite leur course.

L’alimentation du Lac-Supérieur semble se faire principalement au moyen de sources souterraines dont la plupart viennent des régions septentrionales ; même en été l’eau du lac est très froide, presque glacée. En tout temps, la limpidité est telle qu’on voit le fond à plusieurs mètres de profondeur. En hiver, en faisant un trou dans la glace et se couvrant la tête d’une étoffe noire, si l’on applique l’œil sur ce trou, on répète en grand l’expérience de la chambre claire des physiciens. Le volume des eaux du lac est à peu près constant, car le niveau varie peu. Cependant on a relevé, à